L'histoire :
Le vent du sud-est : L’hiver polaire offre une nuit interminable qui, si elle n’est pas pour déplaire à Valfred, un infatigable dormeur, use peu à peu la santé d’Anton, son colocataire : le jeune homme donnerait n’importe quoi pour un petit rayon d’astre lumineux. Entre 2 ronflements et une tranche de viande séchée poêlée, Valfred se souvient du cuisinier chinois, de ses plongées expérimentales ; d’une chasse à l’ours et d’un vent chaud particulièrement calmant… et qui pourrait intéresser son compagnon.
Alexandre : C’est lors d’une escale du « Vesle Mari » qu’Herbert rencontra Alexandre. Monté à bord pour une partie de cartes avec des hommes d’équipage, l’excès d’alcool aidant, le trappeur était tombé par hasard sur ce futur compagnon. Ils s’étaient immédiatement pris d’amitié l’un pour l’autre, goutant chacun la conversation de l’autre avec passion. Aussi Alexandre avait-il rejoint la baraque d’Herbert à Guess Grave… laissant par là-même une carrière prometteuse de coq reproducteur qui l’attendait sur la côte orientale du Groenland…
Tournée de visites : Pour tout trappeur qui vit au Groenland, ce genre de choses peut arriver n’importe quand : le sentiment de solitude totale devient tellement pesant que le moindre petit bruit inquiète. Puis on se sent observé… et pire, on entend chuchoter. Il est alors temps d’utiliser le remède ultime : la tournée de visites… Lorsque ce fléau lui tombe dessus, Herbert décide d’aller voir Lodvig, un trappeur taciturne et secret, qui n’a reçu aucune visite depuis 2 ans. Mais lequel des deux a le plus besoin de se « vider » ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En se glissant avec justesse dans les « Racontars » de Jorn Riel, Gwen de Bonneval et Hervé Tanquerelle nous proposent une adaptation peu commune. Rarement, en effet, le 9e art a su se montrer passionnant à coup d’album de 160 pages, de nuit interminable et glacée, de solitude ou de festins constitués d’une tranche de carne sèche et de mauvais vin. Mais voilà, en choisissant de s’approprier à leur tour l’univers dans lequel l’ethnologue-écrivain s’est fondu (si ! si !) durant 16 ans, les deux compères ont visé juste : le talentueux conteur avait parfaitement réussi son tour de magie, subtil contraste de rigueur climatique et de profonde humanité. Sept anecdotes, donc, pour faire connaissance avec des personnages paumés dans ce nord-est du Groenland grand comme deux France, haut en couleur, la peau tannée par les éléments et le cœur débordant de sensibilité. Des bonhommes qui vivent, dans de petites cabanes en bois parfois distantes de quelques jours de traineau, un brin philosophes, souvent farfelus et multipliant les trouvailles pour que la solitude ne leur fasse jamais « prendre le vertigo » : coq de compagnie, course à poil dans la neige, tournée de visites pour se vider ou compagne inventée « faite rien qu’avec des beignets aux pommes », comblent ainsi, pour un temps, leur isolement. Au jeu de l’adaptation notre duo d’artistes s’en sort haut la main, réussissant le double pari de la fidélité et de l’appropriation : la mise en scène conjuguée aux impeccables lavis en bichromie donne à l’ouvrage une profonde énergie, que quelques longs dialogues philosophiques sur certains racontars pouvaient ankyloser. Un somptueux travail, mis en valeur par une belle et épaisse édition qui donne envie que les artistes continuent de se prendre au jeu : Riel à encore quelques racontars en magasin.