L'histoire :
Depuis sa naissance, Gaja souffre d’une douloureuse difformité qui rend son visage effrayant. Rejetée par la plupart, et en particulier par son père (qui ne comprend pas comment il peut être le géniteur de cette « horreur »), la fillette ne communique qu’avec ses poupées, qu’elle possède par centaines. Renvoyée fréquemment de l’école à cause de son asociabilité, Gaja y retourne pourtant, ce matin-là. C’est certainement le meilleur moyen de faire son éducation, mais c’est aussi une bonne occasion pour son père de s’en débarrasser. L’expérience est cependant un nouvel échec : Gaja blesse une camarade qui voulait jouer avec elle, pensant qu’une nouvelle fois on voulait se moquer d’elle ou l’humilier. De retour chez elle, son père ne voit pas d’autre moyen pour la faire sortir de sa bulle que de demander l’intervention de son épouse. Gravement malade, cette dernière est soignée dans un centre de repos. Il sait son épouse fragile, mais particulièrement attachée à sa fille. Aussi, souhaitant s’accaparer la fortune de sa femme, il espère que ce retour la fatigue définitivement. Et si tel n’était pas le cas… il a d’autres solutions.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Présenté comme « le mythe de Pinocchio inversé », ce petit conte en deux parties joue, pour l’heure, la carte des présentations. Seules, en effet, l’accroche éditoriale et les deux dernières planches de l’opus nous laissent imaginer à quoi se destine cette drôle de petite fille malaimée. Montant sa mayonnaise comme un sacré bon cuisinier, Daniele Vessella plante en effet le décor : une gamine défigurée, une mère riche et dépressive, un père pétri de mauvaises intentions et une kyrielle de poupées. Tous ces ingrédients servent impeccablement le drame, dans un montage empruntant assez judicieusement les ficelles du conte traditionnel : antagonismes entre époux ; contraste perfidie/bonté ; exclusion du groupe social ; manque d’amour… Tous ces paramètres ont été en effet largement exploités depuis qu’on s’est amusé à imaginer des histoires pour faire dormir ou grandir les enfants. Sans que l’on sache vraiment où l’on va, c’est en tous cas pas mal fait. En particulier, la manière de montrer le mécanisme utilisé par la fillette pour se protéger de ce monde qui la rejette, est assez bien exposé. Seul regret (mais paradoxalement c’est ce qui risque d’attirer une grosse majorité du lectorat cible) : l’agressivité du graphisme et sa colorisation parasitent notre empathie. Ainsi, l’univers gothico-victorien servi par des protagonistes soit cadavériques, soit caricaturaux, baignant dans des tons rose-rouge-violacé outranciers, frise souvent la nausée. C’est évidemment affaire de goût. Mais même si, peu à peu, on s’y habitue, ça freine considérablement l’immersion…