L'histoire :
Jusqu’à l’âge de 12 ans, Rudy Spiessert voyage à travers la France, au sein du grand cirque Zimmer auquel ses parents appartiennent. Il se souvient de la ménagerie, qui permet alors la naissance de Linda, un orang-outang baptisé ainsi en l’honneur de l’actrice qui incarne Wonder-Woman à la télé. A fois tendre et puissante, Linda finit par faire une dépression et se retrouve dans un zoo. Il y a aussi le grand Rodrigo, un trapéziste qui a carrément la classe et qui épate tout le monde en faisant semblant de tomber pour finalement rattraper son trapèze avec les talons ! Rudy s’identifie beaucoup à ce héros vivant, jusqu’au jour où il apprend qu’il est pédé et que le rouquin qui l’accompagne sur la piste est son compagnon. Mais les artistes ne sont pas les seuls dignes d’intérêt. Parmi les protagonistes qui méritent le détour, il y a Eusice, le chef-monteur. Barbe blanche et épaisse lunettes carrées, Eusice arrive toujours sur place avant les autres. Toujours en maugréant, il calcule le moyen de faire rentrer le chapiteau et les camions, et prévoit les accès au public et l’emplacement de la ménagerie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A travers ce one-shot autobiographique, Rudy Spiessert témoigne de son enfance, au sein du cirque Zimmer (toujours en activité à ce jour). En effet, comme il nous le livre dans le documentaire photo en postface, sa famille est issue d’une grande lignée d’artistes de cirque. De fait, durant son enfance, de 1974 à 1984, il eut l’occasion de changer chaque semaine de ville de résidence (d’où le titre). Découpé en chapitres thématiques qui sont autant de souvenirs très didactiques, le récit est pétri d’authenticité, débordant de tendresse et de respect pour les acteurs de ces jeunes années. On y découvre l’histoire de Linda la guenon, celle du trapéziste Rodrigo, ou du chef-monteur Eusice (cf. résumé). Mais aussi ses rapports avec sa petite copine Valérie qui aime (trop) les poneys, la mort du dompteur (« quoi qu’il arrive, le spectacle continue »), les fistons analphabètes (et grossiers) du clown, le magicien nul, la troupe roumaine et un épilogue réaliste. Tantôt drôle, tantôt malicieux, mais toujours émouvant, Spiessert use et abuse de son style personnel faussement ingénu, pour toucher le lecteur. Comme à l’accoutumée (comme pour Ingmar ou Le stéréo club), son dessin est simple, stylisé, moderne, élégant et souple ; confiée à Mathilda, la colorisation adopte des teintes judicieusement surannées. Seule cette expérience vécue permet, avec un recul affectueux, d’embrasser et de bousculer à la fois les archétypes sur les artistes ambulants. Un témoignage réussi et communicatif !