L'histoire :
Après des temps et des temps d’errance, la communauté des rats entrevoit un terme à son exil : les ignobles rongeurs débarquent aujourd’hui sur un nouveau littoral. Si la berge est clôturée à grand renfort de barbelés et d’électrification, c’est sans doute qu’il cache, derrière, un jardin d’Eden favorable et prospère ! Dans leur grande soucis de civilité, ils tentent d’envoyer à leur place une colonie de cafards contre le grillage pour créer un court-jus, mais ils ne récoltent que… des pop-corns ! L’un d’eux repère alors l’origine de l’alimentation électrique : un câble plonge le long de la falaise, jusqu’à une raie torpille immobilisée sur le fond marin. Etant donné qu’il est impossible de sectionner le câble sans s’électrocuter, ils décident de faire « péter la poiscaille ». Ils constituent une boule de piles et autres déchets électriques et lui donnent à bouffer. Une tempête se lève alors et l’animal est foudroyé en un spectaculaire saut hors de l’eau. Les rats investissent ensuite les lieux. Au lieu du paradis promis, ils évoluent alors sur un terrain jonché de plantes carnivores et de mille pièges végétaux. Tandis qu’il les affronte, l’un des rats tombe dans un terrier et découvre la peuplade à l’origine de ces traquenards : des mulots totalitaires, qui refusent drastiquement l’emploi des gros mots…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le changement d’éditeur (des Humanos vers chez Soleil) ne change rien à la formule de Rat’s : comme à chacun de ses albums en forme de satire zoomorphique, Ptitluc hurle sa désespérance en l’humain, son scepticisme en l’avenir de notre société/civilisation. Le rat – animal infâme par excellence – représente symboliquement la communauté humaine dans sa méprisable destinée. Or, il y a tellement matière à critiques dans nos « sociétés occidentales développées », que cette série est logiquement dotée d’un vaste potentiel, à long terme. S’appuyant toujours sur un dessin comico-trash idoine, Les gros mots nous parlent aujourd’hui des individualismes croissants, des manipulations politiques de masse, des nouvelles méthodes d’exercice du pouvoir, du culte de l’emblème, de la puissance de l’illusion et de l’image… Il faudrait juste que Ptiluc et sa bande organisent un tant soit peu tous leurs propos, les rendent moins fouillis, plus limpides… Car en dépit des sujets de fonds éminemment intéressants, à vouloir dire des choses à demi-mot, en restant systématiquement dans la métaphore crado, le récit part en effet systématiquement en vrille. Certes, cette forme d’anarchie narrative colle quelque part à la démarche politique… mais elle n’est, de fait, guère intelligible. De ce dixième opus, se dégage donc une nouvelle fois une hargne salutaire, une véritable volonté d’alerte citoyenne, mais terriblement brouillonne…