parution 28 septembre 2011  éditeur Soleil  collection Quadrants
 Public ado / adulte  Mots clés Guerre

Triangle rose

Le témoignage fictif d’un jeune homosexuel allemand persécuté, puis interné dans un camp de concentration à la fin des années 30. Une œuvre de Mémoire atroce mais juste, traitant avec dignité d’un sujet tabou.


Triangle rose, bd chez Soleil de Dufranne, Vicanovic-Maza, Lerolle
  • Notre note Yellow Star Yellow Star Yellow Star Grey Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

    TRÈS BON   Green Star Green Star Green Star Dark Star

    BON   Green Star Green Star Dark Star Dark Star

    BOF. MOYEN   Green Star Dark Star Dark Star Dark Star

    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • Scénario Yellow Star Yellow Star Yellow Star Yellow Star

    CHEF D'ŒUVRE   Green Star Green Star Green Star Green Star

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    BIDE   Dark Star Dark Star Dark Star Dark Star

  • dessin Yellow Star Yellow Star Yellow Star Grey Star

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©Soleil édition 2011

L'histoire :

De nos jours, 3 lycéens marseillais discutent du devoir d’Histoire qu’ils doivent rendre sur les camps de concentration. Plutôt que de tout re-pomper sur Wikipedia®, ce qui ne manquerait pas d’être repéré par la prof, l’un d’eux a une idée : recueillir le témoignage de son grand-père Andreas, qui a jadis été interné dans un tel endroit. Mais il prévient : le vieux n’est pas facile. Effectivement, Andreas est un vieil homme acariâtre et rude. Quand l’adolescent évoque les camps devant lui, tout son passé atroce lui revient en mémoire. En 1932, Andreas est alors un dessinateur publicitaire berlinois très apprécié de son patron. En dehors de ses heures de travail, il passe du bon temps entouré d’une bande de joyeux amis, tous homosexuels. Ils trainent dans les bars, refont le monde, se racontent et se conseillent leurs dernières conquêtes… Ils ont aussi des discussions politiques animées autour de la montée en puissance du parti nazi d’Adolf Hitler, qui stigmatise tous les maux de la crise économique sur les juifs. Cela ne gène guère Andreas : il n’est pas juif. Il couche même dans son lit un bel aryen des jeunesses hitlériennes. Un ami communiste le met en garde : aujourd’hui on persécute les juifs, demain peut-être les homos ! Andreas ne prend pas cet avertissement au sérieux. Il a bien tord…

Ce qu'on en pense sur la planète BD :

Les œuvres de Mémoire traitant des camps de concentration durant la seconde guerre mondiale focalisent la plupart du temps sur la Shoah, c'est-à-dire la persécution des juifs et leur extermination. Beaucoup plus rares sont les ouvrages s’intéressant à la persécution des « invertis », qui connurent pourtant un sort similaire aux opposants politiques, ressortissants ennemis et asociaux. En fait, l’homosexualité dérange toujours aujourd’hui et se trouve majoritairement tabou, considérée comme une maladie contre-nature ou pire, un délit quasi-criminel. En scénarisant ce témoignage atroce, certes inventé, mais juste et digne, Michel Dufranne rétablit donc une injustice. Encadré par une introduction et une conclusion qui recentrent le sujet sur notre époque, son récit en forme de long flashback, est le témoignage d’un homo allemand fictif, mais historiquement crédible. En 1932, Andreas, le personnage central, n’est pas un héros au sens vertueux du terme : il n’est pas indigné de la monté en puissance des nazis et comprendra son aveuglement que trop tard. Au terme de sa vie, l’intériorisation de sa souffrance sociale en a fait un homme aigri. Ce tempérament acariâtre directement lié au traumatisme des camps, puis de toute une vie, jure avec la joie de vivre des débuts. Il permet de partager le mal-être social que peuvent toujours ressentir les homos. Le réalisme du dessin appliqué de Milorad Vicanovic-Maza s’avère efficace en toute situation : aussi bien pour les années « festives » d’avant 1935, dans la société berlinoise, que lors des années noires (persécution, tortures, monstruosité des camps). A noter la « colorisation » de Christian Lerolle : en marge des brèves séquences contemporaines, le lavis monochrome du flashback est juste rehaussé du rose de l’étoile que devaient porter les homosexuels sur leurs combinaisons, dans le dernier chapitre. Chronologique, sur plus de 140 planches en petit format, le récit passe donc méticuleusement en revue les années d’avant-guerre (à l’insouciance, suit l’inquiétude) puis de guerre (à la persécution suit l’horreur)… et fait comprendre que le calvaire a continué après guerre. Sur fond de retranscription de leur quotidien, les personnages abordent leurs conditions sociales, leurs idées politiques, leurs inquiétudes… Habile, le scénario de Dufrane n’en fait jamais de trop, et ne cherche pas non plus à être particulièrement militant. Il est juste terrifiant et nécessaire, comme le sont les belles œuvres de Mémoire.

voir la fiche officielle ISBN 9782302017238