L'histoire :
En juillet 39, Günther Pulst est maître diesel, « obermaschinist », à bord d’un sous-marin allemand de l’armée du IIIe Reich. 39 ans, le visage taillé à la serpe, Pulst souffre intimement à chaque seconde de sa vie à bord de ce submersible de l’enfer. La promiscuité, les conditions d’hygiène déplorables, les odeurs, la chaleur, le boucan infernal des machines, lui pèsent. Complètement parano, il focalise sur la moindre remarque durant des jours et des jours et ne supporte plus les blagues grivoises de ses congénères. Il a réussi à se faire haïr de la plupart, il tabasse son assistant, il passe son temps à s’engueuler avec tout le monde, mais exécute ses quarts plutôt correctement. Le dimanche, les hommes ont le droit de se promener sur le pont, pour respirer un peu. C’est gris, c’est moche, mais c’est l’air libre. Au loin, ils croisent un autre U52 qui part en mission et s’amusent à le narguer : eux sont sur le chemin du retour. Mais alors, ces collègues leur transmettent une nouvelle par radio : les SS les attendent à Kiel pour interrogatoire. Une sueur froide parcourt l’échine de Pulst. Que leur reproche-t-on ? Qui dénoncera qui, et pour quoi ? Pulst est au courant de « quelque chose ». Que s’est-il passé « en Espagne » avec le capitaine ? A l’arrivée à Kiel, alors que tombent de gros flocons de neige, une division SS passe en effet individuellement l’équipage en revue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nicolas Junker livre ici l’épisode pilote d’un polar historique doté d’une ambiance forte. Le contexte est celui d’un sous-marin immergé, en mission, à la veille de la seconde guerre mondiale. D’emblée, on est opprimé par un climat de tension ultime et permanent. Tout contribue à exacerber cette atmosphère délétère : l’environnement cloisonné de l’U52 d’une part, les querelles intestines du groupe d’autre part, la personnalité anxieuse du héros enfin, sans compter sur la pesanteur exercée par un secret partagé par quelques marins seulement. Graphiquement, Junker traite habilement la chose avec des cases petites et carrées, aux bords épais et rugueux, empilées comme autant de militaires dans un sous-marin, fourmillant de détails étouffants à l’intérieur. A l’instar de Pulst, le lecteur asphyxié perçoit ainsi idéalement l’impression de cloisonnement. Les couleurs sont volontairement ternes et grises, les trognes des personnages de Juncker, très stylisées (cf. D’Artagnan ou Malet) et patibulaires. Sur ce canevas d’ambiance se greffe alors la problématique de l’enquête des SS… sans jamais en connaître les origines dans ce premier tome. Tout juste, Pulst s’imagine t-il que c’est lié au capitaine et l’Espagne, mais là encore, la suspicion, la délation et la parano sont les maître-mots. Au terme des 54 planches, séduit par un cadre historique qui semble rigoureux (la BD est d’ailleurs parrainée par la revue Historia) et surtout par l’excellent travail d’ambiance mis en œuvre par l’auteur, on ressort impatient de percer le secret du groupe, alors que celui-ci s’immerge encore plus profondément : les hostilités de la seconde guerre s’enclenchent…