L'histoire :
Au moyen-âge, dans les territoires enneigés est-européens, une horde de cavaliers sanguinaires débarque soudain aux abords d’un village et fait un carnage. A leur tête, 4 « chevaliers de l’apocalypse » dotés de mystérieux pouvoirs, sont à la recherche de l’« infant zodiacal ». Au même moment, le chevalier Ernst Wolfräm et son novice Ronan Chantilly de Guivre arrivent par la Baltique en la cité fortifiée de Riga (actuelle Lettonie). Après une altercation avec un commerçant véreux, ils s’étonnent de l’animation et de la surpopulation du port. Une gueuse leur explique que les jacqueries des Lives, des païens, sont particulièrement violentes dans les campagnes et poussent les colons allemands à se réfugier derrière les murailles des villes. Après une nuit dans une auberge, ils demandent dès le lendemain à rencontrer le Prince-Évêque Albert de Bruxhoeveden, se présentant comme Missi Dominici. En audience privée, ils lui expliquent sérieusement qu’ils sont à la recherche d’un artéfact divin : un clou de la croix du Christ. Initialement surpris par cette démarche, le monarque leur assure toutefois de son entière coopération. Mais il leur brosse également un état des lieux alarmant sur la situation des révoltes dans le pays et sur leurs origines hérétiques…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la réalité historique, les « Missi Dominici » furent des émissaires royaux instaurés par les carolingiens, chargés de parcourir le territoire pour hiérarchiser l’administration (politique et religieuse) autour d’un pouvoir central. Ici, oubliez vos cours d’histoire : les Missi Dominici de Thierry Gloris sont eux au service de l’Eglise et courent après un gamin doté de pouvoirs occultes ; or, ils disposent eux-mêmes de puissantes bottes secrètes commodément surnaturelles. S’il est toujours un peu bizarre de voir l’authenticité historique radicalement « profanée » par des contingences fantastiques dignes des X-men, admettons que cela peut produire les meilleurs effets, à l’instar de l’excellent La licorne (Gabella et Jean, chez Delcourt). En parallèle de la sortie d’un sublime récit purement historique (Malgré nous, chez Quadrant), Gloris renoue donc avec sa thématique historico-fantastique de prédilection (qui l’a révélé avec le Codex angélique, Saint Germain ou Waterloo 1911). Comme on pouvait l’attendre d’un premier tome, le lecteur fait connaissance avec des protagonistes aux profils guerriers, leur quête et leurs ennemis (revendiqués chevaliers de l’apocalypse !). Il s’appuie pour cela sur un cadre moyenâgeux sombre à souhait, à travers l’hiver germanique (on est à Riga, au bord de la Baltique…) et les ciels systématiquement obscurs qui font bien avec, exhortant de la sorte l’obscurantisme ambiant. Au dessin, Benoît Dellac livre de superbes encrages réalistes, d’une grande lisibilité dans les cases, mais qui empruntent un rythme de cadrages et de découpage particulier, pas toujours très limpide à suivre. Bref, ce premier tome révèle un jeune artiste prometteur, mais il ne confirme pas encore pleinement Gloris dans son statut de scénariste à succès…