L'histoire :
Dans la petite ville frontalière avec le Mexique où il officie, le shérif Sam Wallace est un modèle d’intégrité et d’humanité. Ce jour là, il est appelé par le superviseur du gigantesque abattoir de viande bovine, perdu en plein désert. Un nouveau clandestin s’est mortellement blessé avec une machine. Un de plus qui aura essayé de s’enfuir par le désert pour éviter d’être contrôlé positif aux amphétamines, des drogues que les illégaux ingurgitent pour tenir les rythmes surhumains de production. Ce nouvel accident révolte Sam, tout comme les méthodes de cette usine scandaleuse. Mais l’incommensurable tristesse qui l’accompagne au quotidien vient d’ailleurs. En fait, depuis que son épouse est décédée d’un cancer du pancréas, la vie pour lui a perdue toute saveur. Dans le bidonville mexicain qui jouxte l’usine, une autre forme d’amertume a germé. Un certain colonel de l’armée russe a fuit les montagnes et les batailles d’Afghanistan pour les USA. Soigné d’une fracture à la jambe par un médecin clandestin estropié, il tue le temps en enchaînant en sa compagnie les parties d’échec. Une fois sa jambe guérie, il va pouvoir mettre se remettre en action, avec un double objectif aussi déterminé que suicidaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après le décor des montagnes afghanes, Garth Ennis continue et conclut son récit de manière tout aussi intelligente, sur le territoire américain. Sans tabous, mais aussi sans complaisance, s’appuyant sur une construction brillante et des sujets forts, Ennis bâtit une démonstration implacable et pessimiste. Deux hommes qui ne se connaissent pas, tous deux pourvus d’un certain sens de l’honneur et de tendances suicidaires (une métaphore de nos idéologies ?), s’affrontent à travers la sacro-sainte « american way of life ». Dans la ligne de mire du scénariste : l’absurdité et le caractère autodestructeur des méthodes expansionnistes et leurs conséquences dévastatrices à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de la première puissance mondiale. La politique impériale américaine en prend plein son grade et vue de France, on a le sentiment que tout cela relève d’une analyse aussi juste qu’alarmiste. A l’aide d’un dessin réaliste précis, Jacen Burrows renforce la critique en utilisant parfois des doubles planches pour ses cases les plus spectaculaires. Si le lien avec le titre – « 303 » est le calibre d’un fusil anglais mythique – n’était pas évident dans le premier tome, il prend cette fois tout son sens dans la dernière séquence. Dommage que ce petit format souple qui ne paye pas de mine (généralement réservé aux comics) ne mette pas plus en valeur ce petit bijou de réalisme politique contemporain.