L'histoire :
Jacob Kurtz approche de la quarantaine. Il est sur le point de goûter enfin au succès. C'est un auteur de BD d'envergure locale, un quotidien publie le strips des aventures de son personnage, Frank Kafka, le privé, au style rétro, un peu comme Dick Tracy. L'agent de Jacob lui a d'abord dit que son comics avait été optionné par Hollywood puis tout est allé très vite : feu vert, début du tournage. Dan Rails, le producteur de série TV, est un poids lourd dans ce secteur et il tient à ce que Jacob intègre l'équipe des scénaristes et soit producteur consultant. Voici donc Jacob dans le trafic monstre de Los Angeles. C'est Karma, l'assistante du boss, jeune et jolie, qui est venue le chercher à la gare et l'a conduit jusqu'aux studios. Toute la prod' a l'air content de rencontrer Jacob, le staff des scénaristes, même le premier rôle a des mots gentils pour lui... Le soir, il s'installe dans une résidence toute proche qu'on a mis à sa disposition et va potasser les scripts des épisodes. Mais l'excitation cède à la désillusion, tout ce que sa BD comptait de surréaliste, d'absurde et drôle a totalement disparu... Il ne reconnaît pas son œuvre. Il le dit le lendemain à son agent, qui lui passe un sacré savon. Faudrait pas que Jacob crache dans la soupe...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C'était il y a 5 ans et demie, avec Sale week-end. On retrouvait Jacob Kurtz, le faussaire, qui avait le premier rôle dans le tome 4 de la série, Putain de nuit. Depuis cette nuit de galère, notre poissard de Jacob a réussi à se reconvertir et gagner sa croûte en dessinant et scénarisant une série polar, « Frank Kafka, Détective Privé. Son mentor dans le métier, Hal Krane, avait fini aigri et rincé par l'industrie des comics, l’entrainant malgré lui dans le marasme d'une dépression nerveuse. Cinq années après donc (la chronologie de la série collant au laps de temps écoulé depuis la publication de Sale week-end), Jacob a une seconde chance car cette fois-ci, les aventures de son personnage vont être adaptées en série télé tournée à Hollywood. Bien sûr, cela ne va pas bien se passer. Et le constat est simple et limpide : nouvel opus et nouveau tour de force du duo Ed Brubaker/Sean Phillips. En effet, cet album est le plus long de la série et il est la symbiose parfaite de ce qu'elle est devenue progressivement sous la plume du scénariste : un thriller qui laisse désormais une part prépondérante à la psychologie, mais qui continue à jouer sur les ressorts classiques du polar. C'est aussi une mise en abîme puisque Brubaker a vendu les droits de Criminal à Amazon Prime Vidéo. Et si dans Sale week-end, l'industrie du comics en prenait pour son grade, cette fois-ci c'est Hollywood et son monde narcissique qui vit en huis clos que Brubaker égratigne. Puis la seconde partie renoue avec le polar noir, avec notamment un autre come back, celui de Tracy Lawless, la brute épaisse du tome 5, Pauvres pécheurs. Ceux qui connaissent la série seront ébahis de la profondeur que Brubaker et Phillips ont amené à l'ensemble, déjà culte et ceux qui la prennent en route ne résisteront pas à l'envie d'aller à la source, là où tout a commencé, il y a 18 ans... Vivement la suite, parce que la belle affaire ne va pas s'arrêter là.