L'histoire :
« 1985 a été une mauvaise année. Quand je pense aux années 80, ça me ramène surtout à toute la mauvaise came et à cette musique, tout aussi mauvaise, avec laquelle je ne pensais pas qu'on aller rester coincés pour le restant de nos jours. Depeche Mode, Duran Duran, la musique des boites à rythmes, de la cocaïne et des promesses en l'air. Triste époque. Dans mon quartier, on voyait des gamins s'étioler dans les rues. Couverts de cet eczéma immonde qu'ont les consommateurs de speed. S'arrachant les cheveux... Et au sud de L.A., le crack détruisait tout sur son passage. Pendant ce temps, les huiles, les producteurs de ciné, les connards de Wall Street s'enfilaient des kilos de coke dans les toilettes des restaus d'Hollywood et de Beverly Hills. A rire, le regard vide, avec au front l'éclat du désespoir et de la sueur. Ah, et il y avait les skinheads. Pour je ne sais quelle raison, il y avait toujours des skinheads. Et ceux-là en avaient après moi. »...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a des auteurs qu'on aime à retrouver, comme on aime se retrouver entre amis. Assurément, pour qui se délecte du polar, Ed Brubaker et Sean Phillips en font partie, de longue date. Au début du dernier trimestre 2021, Delcourt permettait aux lecteurs français de faire la connaissance d'Ethan Reckless, dernier né de l'imagination du scénariste, avec un récit sec comme un coup de feu, qui aurait très bien pu être un one-shot. Mais il faut croire que l'auteur primé huit fois aux Eisner avait envie, à notre plus grande joie, de continuer à faire vivre ce dur à cuire dont les souvenirs nous envoient en flashback dans les années 80. Alors une fois de plus, il joue avec ses marottes préférées, celles qui caractérisent le polar noir, en même temps qu'il joue avec les nerfs de Reckless, aux souvenirs amers. Ce mec est increvable, perpétuellement rattrapé par la mort et pour lui, aimer s'avère impossible. Et sa vie ne peut avoir qu'un seul goût, celui de la violence du sang versé. Dans Reckless, les stéréotypes du polar virent au leitmotiv car avec lui, ce qui aurait pu être une histoire douce tourne toujours au drame, avec ce qu'il peut comporter de sordide. Reckless continue ainsi sa route qui conduit inexorablement à la tragédie et on note qu'une nouvelle fois, ce volume fait du cinéma une pièce centrale de l'énigme. Au point où la figure de Charles Manson, d'ailleurs cité à un dialogue, hante l'intrigue. Côté dessin, on ne va pas non plus tourner autour du pot : les Phillips père et fils proposent un visuel plus qu'excellent, c'est exactement ce que le récit demande, ni plus ni moins. Alors on va se répéter et vous servir la même conclusion depuis un bail avec ce tandem magique que forment Ed Brubaker et Sean Phillips : ce serait le diable de passer à côté de ce comic book.