interview Comics

Ben Templesmith

©Delcourt édition 2008

Co-créateur de séries à succès comme 30 jours de nuit ou Fell et maintenant seul à la barre sur Wormwood, Ben Templesmith nous régale depuis quelques années de ses dessins atypiques et torturés. A l’occasion de sa venue au festival Delcourt, nous avons pu nous entretenir avec ce jeune auteur australien, vivant à San Diego depuis peu, qui en plus d’être fort sympathique, a multiplié les efforts pour parler dans la langue de Molière !
 Voir la vidéo de l’éditeur US pour Wormwood

Réalisée en lien avec l'album Wormwood T1
Lieu de l'interview : Festival Delcourt

interview menée
par
1 octobre 2008

Pour commencer, pouvez-nous dire comment vous en êtes arrivé à faire de la BD ?
Ben Templesmith : Tout a commencé le jour où ma mère et mon père se sont rencontrés (rires). En fait quand j'étais plus jeune, j'adorais les dinosaures et les monstres, je m'amusais à les dessiner. Je voulais même devenir paléontologue ! J'ai ensuite découvert les comics avec les super héros. J'ai toujours aimé raconter des histoires et dessiner. J'ai créé un site internet où je montrais mes travaux et j'ai eu la chance d'être vu par des auteurs et des éditeurs. J'ai travaillé sur un comics basé sur Spawn et je n'ai pas vraiment aimé le résultat, je le trouvais assez ennuyeux. Steve Niles m'a tout de même proposé 30 Jours de nuit. Depuis, le titre est devenu une série, qui est devenue un film ! C'est arrivé très vite pour moi, c'est mon histoire ! Je ne sais pas si je dois être flatté d'avoir eu du succès très tôt ou si j'ai eu beaucoup de chance.

Quelles sont vos influences ?
Ben : Plus jeune je regardais tous les comics américains et australiens. J'ai ensuite découvert un artiste qui s'appelle Ashley Wood, j'adore ce qu'il fait et je dirais que ce que l'on fait est assez similaire. Rob Stedman m'a aussi beaucoup influencé, c'est un artiste gonzo. Je suis inspiré par beaucoup de réalisateurs de films comme Tim Burton, Luc Besson ou même des films comme Dark City, The Thing et tant d'autres qui ont de l'importance pour moi.

Copyright Ben Templesmith 2008Comment décririez-vous votre style ?
Ben : Différent des artistes français ? Je ne sais pas, je pense être assez proche d'artistes américains qui me copient, après tout j'ai en quelque sorte copié Ashley Wood ! Pour mon style, je fais tout, tout seul. J'ai un trait fin, je suis seul à l'encrage et aux couleurs, je ne ressemble pas à la majorité des artistes de comics. Je travaille sur de grandes pages, je fais de légers crayonnés, souvent assez cartoons, que je mélange à des photographies. Je pense que les gens ne peuvent pas être insensible à mon style, ils aiment ou pas !

La série 30 jours de nuit est un véritable succès, est-ce qu'elle continue, avec ou sans vous ?
Ben : Un grand succès ! Cela finance mes autres titres (rires) ! Le premier tome a rencontré un tel succès que l'on a développé une nouvelle histoire s'étalant sur deux autres tomes. Ce sont ceux que vous connaissez aujourd'hui et qui sont sortis chez Delcourt. Après j'ai voulu faire d'autres choses, j'en avais un peu marre des vampires. Steve Niles a créé d'autres histoires avec d'autres artistes. Je n'aime pas trop car cela n'apporte pas grand chose à l'histoire. L'an dernier, Steve m'a redemandé de travailler sur la série et il a su me convaincre en me disant que je pourrais la scénariser. Cela a donné un album assez court qui s'appelle Neige Rouge (Red snow) et l'action est assez similaire au premier tome ! Je ne pense plus revenir ensuite sur la série.

Copyright Ben Templesmith 2008Comment avez-vous rencontré Steve Niles ?
Ben : On s’est rencontré sur le comics de Spawn, c’était le scénariste et c’est moi qui ai terminé son histoire. Il a bien aimé ce que je faisais et m’a demandé si je voulais travailler à nouveau avec lui et j’ai dit oui !

Steve Niles continuera la série sans vous ?
Ben : Il écrit énormément et des fois tout n’est pas bon alors… Je préfère travailler sur de nouvelles choses pour éviter de me répéter et surtout que les gens n’imaginent pas que je ne peux faire qu’une seule chose ! J’espère qu’ils me verront comme un artiste, un créateur, pas juste comme un participant à 30 jours de nuit.

Qu’avez-vous pensé de l’adaptation cinéma de 30 jours de nuit (Voir la bande annonce)
Ben : Il est très bon ! Bien sûr, chaque film a des défauts, mais j’ai rencontré le réalisateur, David Slade, et il m’a montré tout ce que je voulais pendant le tournage. Il est fan de ce que je fais et il a essayé d’être assez fidèle à ce que j’ai fait. L’image est superbe. Je voulais que le film change un peu de l’histoire de base et il a fait du bon boulot ! Hard Candy était un bon film aussi.

Vous avez aussi collaboré avec un autre scénariste renommé, Warren Ellis, sur Fell
Ben : En fait notre rencontre est tout sauf une histoire de drogue, de rock (rires). En fait, Warren a une newsletter où il donne son opinion sur ce qui lui tient à cœur et j’ai toujours trouvé captivant ce qu’il disait. Je suis un grand fan de ses séries. Transmetropolitan est un de mes comics préféré, il travaille énormément et un jour où il a eu envie de développer un nouveau format pour les Etats-Unis, 60 pages pour 2 dollars, plus de choses à lire pour moins cher. Seulement, il ne pensait pas trouver d’artiste suffisamment fou pour risquer sa carrière sur un titre aussi peu rentable. Lorsque j’ai vu son mail, je me suis dit, c’est Warren Ellis, c’est un mec connu, moi je veux le faire (rires) ! Il m’a répondu très vite, en me demandant si j’étais sûr, et je l’étais ! Je ne suis pas fan de grand monde dans le milieu, mais de Warren Ellis, si ! Le projet a mis longtemps à prendre forme, on a beaucoup parlé de la façon dont on devait faire la série, il a aussi fallu trouver un éditeur. Depuis, Warren fait une pause car il est très occupé et il ne veut pas bâcler la suite de la série. Il veut que se soit meilleur encore !

Alors à quand la suite ?
Ben : La série continue bien sûr. Avant de venir au festival (NDLR : festival Delcourt, Bercy, septembre 2008), je travaillais sur un nouveau chapitre, le 10e. Cela me prend du temps à moi aussi car je veux être fier du résultat. Warren voudrait que la série fasse 16 chapitres, ce qui vous fera un tome de plus en France !

Seriez-vous tenté de réaliser une bande dessinée pour le marché français ?
Ben : Oui ! Je ne connais pas beaucoup de scénaristes mais j’aimerais beaucoup travaillé avec Jodorowski, Enki Bilal. En fait, j’aimerais beaucoup que les bandes dessinées soient beaucoup plus traduites en anglais et publiés car pour le moment, je ne peux qu’apprécier leur visuel. Ce serait vraiment bien si je pouvais faire quelque chose en France, car les BD sont plus variées et moins superficielles que la grande majorité des comics, le format est plus beau, plus grand.

Copyright Ben Templesmith 2008Dans quel genre d’histoire avez-vous envie de vous lancer ?
Ben : En ce moment, je travaille exclusivement pour mon éditeur américain. Je suis donc très occupé ! Si j’avais l’opportunité de travailler pour d’autres éditeurs, pourquoi pas des histoires d’amour ou des récits historiques. Mais pas sur les guerres mondiales, plutôt sur Napoléon ou sur l’histoire romaine.

Wormwood vient juste de sortir en France, c’est votre second titre en tant que scénariste…
Ben : Pour moi, dessiner ou écrire est assez facile. J’adore raconter des histoires. C’est gentil de ne pas avoir parlé de ma première histoire (ND : Singularity 7) car j’étais en train d’apprendre à ce moment là comment raconter une histoire. J’ai beaucoup appris de Warren Ellis et mon écriture sur Wormwood s’en est ressenti, ce que vous découvrez dans le premier tome en France est assez ancien. Depuis, j’ai sorti deux autres volumes qui sont très appréciés. J’espère que les français aimeront aussi ! Pour moi, j’ai fait ce qui me plaisait, c’est un hommage aux shows télé anglais comme Dr Who. J’aime bien écrire mais j’ai toujours beaucoup de choses à dessiner, et je suis quelqu’un qui aime bien tout faire donc ça prend du temps.

Il y a un titre que l’on connaît aussi de vous en France, c’est Silent Hill, qu’en pensez-vous ?
Ben : C’est vrai qu’il est sorti en France. Je ne sais pas trop quoi en penser, je n’ai jamais joué au jeu et j’ai juste fait deux chapitres. Je pense que les créatures ne sont pas très réussies, je devais essayer de respecter certaines directives. J’aurais préféré designer moi-même les monstres. Pour moi, cela remonte à très loin, c’est un peu oublié ! J’ai fait aussi deux autres titres sur les jeux vidéo. Il y a eu Turok mais ça n’est jamais sorti. C’est dommage car il y avait des space marines et des dinosaures ! Récemment, j’ai travaillé sur Dead space, il y a plein de monstres et c’était un projet plutôt marrant à faire.

Quels sont vos prochains projets ?
Ben : Pour la France, la suite de Wormwood dans un premier temps. En anglais, je viens de terminer Welcome to Owford c’est un titre assez dur, effrayant, qui se passe en prison mais je ne veux pas trop en dire pour ne pas spoiler ! Le dernier chapitre vient de paraître aux Etats-Unis et l’histoire va être compilée en un gros volume. Delcourt le sortira probablement après Wormwood.

Copyright Ben Templesmith 2008Si vous aviez une gomme magique pour corriger un détail ou une partie d’un de vos titres, souhaiteriez-vous l’utiliser ?
Ben : Je changerais probablement beaucoup de choses car je ne les referais pas de la même façon. J’essaie de faire le mieux que je peux sur chaque titre et chaque expérience me fait progresser. Si vous avez des conseils, je suis preneur (rires) !

Quelles séries conseilleriez-vous ?
Ben : A part mes titres (rires) ? J’adore Hellboy, mais juste quand Mike Mignola dessine. J’adore L’homme à la tête de vis ! Shaolin cowboy de Geoff Darrow. J’ai lu récemment Fear Agent de Rick Remender et j’ai trouvé ça vraiment sympa. Sinon, il y a la série The Boys, un truc de super héros vraiment déjanté. Garth Ennis (NDLR : le scénariste de The Boys) est vraiment bon, j’ai adoré Preacher et sa version du Punisher.

Si vous aviez la possibilité de visiter le crâne d’un autre artiste afin de saisir sa démarche, qui iriez-vous visiter ?
Ben : Je pense que se serait Mike Mignola. Ce n’est pas une influence à proprement parler mais je suis incapable de faire ce qu’il fait. C’est très épuré mais c’est fantastique ! C’est dommage qu’il ne dessine plus autant qu’avant. J’aimerais bien connaître ses secrets !

Si vous n’aviez pas fait des comics, que seriez-vous devenu ?
Ben : Probablement tatoueur. Je ne sais pas militaire, gangster… Je ne veux pas le savoir, je pense avoir beaucoup de chances d’être là aujourd’hui !

Merci Ben !

Copyright Ben Templesmith 2008