interview Bande dessinée

Boris Mirroir

©Ankama édition 2016

Depuis des années, Boris Mirroir œuvre dans le monde de la bande dessinée comme dessinateur, scénariste ou coloriste. Si certains le connaissent sous le pseudonyme de BenGrrr ou la Tête X, c'est sous son véritable nom qu'il a marqué les esprits ces derniers mois. Collaborateur régulier de James, l'artiste a pu dévoiler quelques unes de ses facettes en solo avec Notre Seul Ami Commun ou SOB. L'occasion de lui poser quelques questions s'étant présentée à nous, nous n'avons pas manqué cette opportunité...

Réalisée en lien avec l'album Notre seul ami commun T1
Lieu de l'interview : Le cyber espace

interview menée
par
30 août 2016

Boris Mirroir Tout d'abord, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as débuté dans la bande dessinée ?
Boris Mirroir : Boris Mirroir a.k.a. BenGrrr a.k.a. La Tête X. Après mes 5 années de Beaux Arts et quelques années à faire de la musique d’ordinateur personnel, j’ai bossé dans le jeu vidéo. Alors que la boîte se cassait la gueule (on faisait des jeux un peu tout pourris aussi) j’ai rencontré James qui traînait aussi sur le forum Café Salé, il m’a proposé de faire de la bande dessinée et comme un con j’ai accepté. Je n’avais quasi pas dessiné depuis la fin de mon adolescence, c’était un bon timing pour s’y remettre.

Quelles sont tes influences ?
Boris Mirroir : En bande dessinée, mes influences premières sont très classiques. Gotlib, Mandryka, Fred et F’murr. Quand j’étais môme je voulais faire ce qu’ils faisaient. Plus tard, j’ai vraiment aimer Franquin bien sûr, Toriyama, Tardi et Schulz. Aujourd’hui je suis un inconditionnel de Seth, Dave Cooper, Luke Pearson et Tom Gauld. Liste non restrictive et sujette à modification suivant les arrivages.

Au départ, nous t'avons surtout connu pour tes travaux de coloriste sous le pseudo de Bengrrr. Pourquoi un pseudo et ce choix de la colorisation (en lieu et place du dessin) ?
Boris Mirroir : Je n’ai pas vraiment été coloriste, c’était souvent pour bosser avec des potes et/ou des bouquins qui me bottaient. Je n’ai jamais chassé la pige. Aujourd’hui j’ai arrêté parce que soyons honnêtes c’est pénible et c’est un boulot de chien avec aucune reconnaissance. Je respecte énormément les coloristes. Quant au pseudonyme, ça vient en partie du jeu vidéo en ligne et des forums je crois. BenGrrr est une déclinaison de Ben Grimm bien entendu (j’ai sorti mon disque sous ce nom d’ailleurs).

Tu as collaboré à plusieurs reprises avec James depuis tes débuts que ce soit en tant que dessinateur ou coloriste. Comment se passe votre collaboration, qui amène le projet à qui ?
Boris Mirroir : C’est différent à chaque fois. Mais on travaille vraiment ensemble, la ligne n’est pas tracée clairement entre le dessin et le scénario. C’est un ping-pong constant. James m’a appris énormément, je lui dois beaucoup. Quand je suis son coloriste (ce qui est très rare aujourd’hui) par contre je me mets à son service, il demande ce qu’il veut et je fais.

Boris Mirroir Avez-vous de futurs projets en commun ?
Boris Mirroir : En ce moment, Rob (chaque semaine dans Spirou) et Des Ailes et pas de couille (régulièrement dans Fluide) nous occupent pas mal. Mais on a des choses qu’on traîne depuis longtemps et qu’on finira éventuellement par coucher sur le papier.

Tu as sortie via CFSL Ink Notre seul ami commun, un récit à la fois drôle et profond. Le titre était présenté comme autobiographique. Peux-tu nous parler un peu de la conception de cette série, de sa création et des embûches que tu as pu rencontré lors de l'élaboration de la série ?
Boris Mirroir : Notre seul ami commun devait sortir. Je faisais tous mes livres avec James et j’avais des envies de solo. Mais ce récit se foutait toujours en travers. Alors quand je me suis senti prêt à mener un projet seul (360 pages) je l’ai fait. Je devais être prêt, je ne pouvais pas faire n’importe quoi avec cette histoire qui n’est pas que la mienne. Pendant la réalisation, j’étais plus soucieux de rester décent et de dire la vérité que d’en faire une thérapie comme j'ai pu le lire et l'entendre par la suite. Je ne voulais pas faire un bouquin gonflé au pathos. Finalement le livre a trouvé un éditeur assez rapidement et je trouvais ça assez logique de le faire chez Ink dont le forum était la raison de mon retour au dessin vers 2002-2003.

Une chose qui est franchement très réussie sur la série est ton utilisation de la narration qui ne passe par aucun texte. Cela a t-il été difficile à gérer ?
Boris Mirroir : C’est ma narration naturelle donc difficile pour moi de l’analyser vraiment. J’aime prendre beaucoup de pages pour dire des choses sans les formuler dans une bulle. Et puis ça peut renforcer le texte quand je l’utilise de façon pertinente. Ça rend aussi certainement mes bouquins moins faciles d’accès mais c’est comme ça que je fais de la bande dessinée.

Tu as également lancé SOB Comics, une série transposant des chansons en bande dessinée. D'où t'es venu une telle idée ?
Boris Mirroir : SOB n’est pas un concept fixe (merci Vide Cocagne pour la liberté offerte), il se trouve que sur le premier j’étais tombé dingue de cette chanson et que j’ai réussi à contacter l’auteur qui m’a donné son accord (lisez SOB #1, tout est expliqué). Le hasard a fait que sur le #2, il y a aussi une chanson (moins longue) ce n’était pas prévu, mais c’était l’idée derrière SOB, j’y mettais ce que je voulais (on avait déjà fait une expérience de ce type avec James dans Pathétik chez 6 pieds sous terre). Pour le moment le récit principal (les aventures du garçon nommé Wander) contenu dans les SOB est en pause mais j’y reviendrai. Ce sera un livre énorme, j’adore les grosses paginations.

Boris Mirroir La musique a, semble t-il, une grande importance pour toi. Je pense à ton Backstage qui racontait la genèse des Rolling Stones de façon décalée et à SOB. La musique semble avoir une grande importance dans ta vie, me trompes-je ?
Boris Mirroir : Non, la musique est centrale pour moi. Elle m’accompagne. Elle m’inspire souvent bien plus que le reste. J’en ai fait, j’ai joué en live et sorti donc ce disque. Aujourd’hui je ne pratique plus du tout (la faute à la bande dessinée) mais j’en écoute énormément, les sorties comme les classiques.

Dernièrement, tu as aussi fait partie des artistes qui ont livré un récit inédit dans The Grocery. Est-il simple de revisiter un univers visuel conçu par un autre (Guillaume Singelin en l'occurrence) ?
Boris Mirroir : À la sortie du tome 1, j’avais envoyé des messages à Guillaume et Aurélien pour leur dire à quel point j’étais fan. Premier degré sans aucune arrière-pensée, juste "WAW LES MECS". Quand ils m’ont proposé de faire un fan art dans le tome 2, j’étais comme un fou (et hyper flatté). Mais quand Aurélien m’a proposé une histoire dans Before The Grocery, j’ai paniqué. Guillaume est un dessinateur incroyable, un des meilleurs, il a un univers riche et cohérent et une technique inattaquable. Ça a été les 20 pages les plus suées de ma carrière.

Quels sont tes projets à venir ?
Boris Mirroir : Je bosse actuellement avec Fabien Grolleau sur un projet qu’il m’a proposé il y a des années et qui est effrayant par sa taille et passionnant et effrayant mais excitant. Je change totalement mon trait pour ce livre et je mets tout dedans. J'ai un livre illustrations/textes (50 Jeux Vidéos Tout Sauf Ordinaires) qui sort en octobre chez Mango/Fleurus. On y dresse avec Antoine Maurel (loué soit cet homme) la liste de 50 jeux vidéos avec des concepts si ce n'est forts pour le moins uniques. J'ai pris un rare plaisir à bosser sur ce livre et à réaliser de grandes illustrations sur le jeu vidéo qui est une passion dévorante chez moi.

Es-tu (toujours) un lecteur de BD ? Si oui, as-tu eu un coup de coeur récemment ?
Boris Mirroir : Je lis tous les jours. De la bande dessinée ou de la littérature, peu m’importe. Azolla de Karine Bernadou est mon livre de l’année (so far). J’ai aussi tardivement découvert le travail de Mariko et Jillian Tamaki, je suis fan.

Si tu avais le pouvoir métaphysique de visiter le crâne d'un autre artiste pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter et pourquoi ?
Boris Mirroir : Ware. Parce que Ware.

Merci Boris !

Boris Mirroir