interview Bande dessinée

Christopher

©Le Lombard édition 2007

Le polyptique Love Song (le Lombard) s’intéresse aux méandres conjugaux tortueux de 4 musicos fanas de rock n’roll. Alors que le second volet parait en librairie, l’auteur Christopher a accepté de répondre à une interview bédienne dans un cadre ad-hoc : une boutique dédiée au rock’n Roll, le London Calling (à Tours). De quoi découvrir un peu plus profondément ce jeune auteur complet prometteur. Yeah !

Réalisée en lien avec l'album Love song T2
Lieu de l'interview : le London Calling

interview menée
par
16 juillet 2007

Comment ça va Christopher ? Comment est accueilli le tome 2 de Love Song ?
Christopher : Très bien, plutôt favorablement, je suis enthousiaste car c’est probablement ma bande dessinée la plus personnelle avec un ton résolument nouveau et différent de ce que je faisais avant. L’accueil du public et des libraires est très bon donc je suis plutôt content.

Pour faire connaissance, peux-tu te présenter : ta vie, ton œuvre, comment en es-tu arrivé à faire de la BD ?
Christopher : J’ai dû le raconter vingt mille fois (rires). Je suis né en Angleterre puis ait vécu 18 ans en Provence avant de partir étudier sur Paris. En 1995, j’ai fondé un label baptisé La Comédie Illustrée avec d’autres dessinateurs, moi j’ai commencé avec la série des Contes inachevés de David Watts, puis en 1999 quand je suis parti sur Tours, j’ai débuté la série Les filles qui a été racheté par Carabas par la suite. Par la suite, Dupuis et Le Lombard ont commencé à s’intéresser à ce que je faisais, et ça a donné Les colocataires pour Dupuis et Love Song pour Le Lombard.

As-tu une activité professionnelle annexe à la BD ?
Christopher : Ça dépend si c’est de mon point de vue, pour moi oui ! Du point de vue de mes beaux parents, ils considèrent que c’est plutôt annexe, (rires) ils auraient sûrement préféré que je sois architecte ou chirurgien !

Ecris ou dessines-tu dans une ambiance ou cadre particulier (en musique, isolé…) ?
Christopher : L’écriture se fait toujours la nuit avec mon casque vissé sur les oreilles, pour ne pas être dérangé par le téléphone ou les enfants. Il m’arrive d’écrire jusqu’à 4 ou 5 heures de suite ! Pour les dessins, ça se passe de jour à l’atelier !

Justement, y a-t-il un concept derrière cet atelier « Cachalot » ?
Christopher : Ce sont 5 amis qui se retrouvent ensemble (Isha, Felipe, Jean Millou, Philippe Masson) et qui bossent ! C’est un espace d’échange où la vie de famille de chacun est absente, et permet de se concentrer plus facilement.

Combien de temps passes-tu environ pour un album ?
Christopher : L’écriture, six mois en moyenne. Trois mois pour le dessin. J’ai un sketch book dans lequel j’y consigne toutes les idées venant au cours de ma journée de mes errances ou de mes observations.

En termes de dessin, que penses-tu de l’utilisation de l’informatique ? Intéressé ou non ?
Christopher : C’est un nouvel outil que j’utilise seulement pour le scan actuellement. C’est intéressant car cela a permis de gagner du temps vis-à-vis des éditeurs. Vive l’informatique ! (rires)

Tu as été scénariste sur A boire et à manger (avec Jean Philippe Peyraud aux dessins) en 1998, est-ce que c’est une expérience que tu souhaiterais renouveler ? Et si oui avec qui ?
Christopher : Le scénario c’est ce que préfère, le dessin ça m’amuse ! L’idée pour l’instant est plutôt d’écrire pour d’autres dessinateurs, je ne pense à personne en particulier mais on va voir comment les choses vont évoluer.

D’où viennent tes inspirations ?
Christopher : Du monde qui m’entoure, de mes contemporains, des rencontres, ce que j’entends, ce que je vis, c’est mon petit côté Balzac !

Parlons références/influences littéraires, cinématographiques, tes réalisateurs favoris, tes séries TV...
Christopher : Je suis une véritable éponge, je n’ai pas de références en particulier, non,… Will Eisner, les Rabaté, je prends tout ! Je peux parfaitement enchaîner Spiderman avec un film de Jim Jarmusch !

Quel personnage ou BD aurais-tu rêvé de créer ?
Christopher : Celui que je créerai demain (rire) ! Sur Love Song, beaucoup trouvent une ressemblance avec le roman de Nick Hornby, High fidelity, c’est un peu ce qui m’a donné envie de partir dans cette teinte un peu rock ! L’adaptation ciné est pas mal, même si j’aurais préféré une bande originale anglaise et non pas américaine ! J’aurais préféré que se soit les Smiths à Bruce Springsteen ! Jack Black est ceci dit très très bon ! Après coup, je pense que ça pourrait être un type intéressant à exploiter !

Si tu étais un bédien, quelles seraient les séries que tu conseillerais aux terriens ?
Christopher : Le tome 4 de Makabi, un bel album avec un excellent sticker qui m’a fait mourir de rire ! Tout doit disparaître de Simon Hureau, j’ai adoré !

Dans la série, tu es tout seul sur une île déserte, tu dois emmener :
- 3 disques :
Christopher : Je ne peux pas, je pars avec un ipod ! Bon allez : Abbey Road des Beatles, Ok Computer de Radiohead, et un best of des Smiths !

- 3 objets du quotidien :
Christopher : L’ipod ! Un ballon de foot, je préfère m’amuser tout seul comme un con, plutôt que d’en créer un ! (rires)

Quel est ton ressentiment sur le milieu actuel de la BD, l’invasion manga, les comics ?
Christopher : Je suis pour la pluralité donc ça me va ! La surproduction en France permet à des jeunes de se faire connaître, mais bon en revanche je suis beaucoup plus dubitatif sur la qualité des éditeurs à être pertinent dans leur choix, ou dans leur travail avec les auteurs, sans appui avec le directeur de collection…

Ce qui évidemment n’est pas le cas chez le lombard ! (rires)
Christopher : C’est assez exceptionnel pour Le Lombard et Dupuis ! Leurs directeurs de collection sont très pro ! En ce qui concerne les auteurs étrangers marquants, je dirais Tezuka, Will Eisner,…

Comment présenterais-tu toi-même l’histoire de Love song ?
Christopher : Bah euh « achetez le » ! (rires) « Est-ce que l’amitié de 4 potes peut survivre au méandre de la vie conjugale sur fond de musique ! » Ou sinon : « Le rock est il soluble dans le mariage ? »

As-tu créé toi-même de la musique ?
Christopher : Oui ! Deux groupes : les Sleeping Watermelon ! Et les David Watts !

Delf s’occupe des couleurs sur Love Song et Les Colocataires, est-ce un choix éditorial, une rencontre ? Es-tu content du résultat ? Lui as-tu donné des consignes ?
Christopher : C’est une coloriste avec qui je m’entends très bien. Hélas ce n’est plus elle qui va faire la suite de Love Song suite à des problèmes de planning, on retrouvera donc Scarlett ! Et non, ce n’est pas un choix éditorial !

A part la France, Love Song a-t-il été publié à l'étranger ? Le sujet pourrait y prétendre alors ?
Christopher : Pas encore en anglais, mais j’ai appris hier qu’il allait être traduit en espagnol…

[Intervention impromptue de Sophie, l'attaché de presse Le Lombard, avec un accent espagnol impressionnant : Toca la guitara Manuel ! (rires)

Rêves-tu en secret de voir tes œuvres développées en dessin animé, série TV ou en film ? Dans ce cas, laquelle a selon toi le meilleur potentiel ?
Christopher : Secrètement non ! Il y a eu 2 achats de droits pour la série les filles, je ne sais pas où ça en est, mais je ne veux pas m’en occuper ! Je n’ai pas envie de me taper le script ! Et puis si c’est pourri, ce ne sera pas moi qui l’aurait fait ! Si c’est bien c’est moi ! Sinon le support série télé ou film unique peut fonctionner.

Quels sont tes autres projets ? Dans d’autres genres ? Des collaborations ?
Christopher : Je suis en train de travailler sur un polar des années 30-40, je trouve la période de l’entre-deux-guerres passionnante, avec la montée du fascisme en France surtout. A Marseille, les confrontations entre les fascistes et les communistes étaient impressionnantes ! Pour les collaborations, on va voir quels auteurs français ont envie de travailler avec moi ! Des noms ? Je ne sais pas, j’aimerais bien collaborer avec Emmanuel Lepage que j’apprécie beaucoup, ou Andy Watson !

Tu as réalisé une fresque pour l’office de tourisme de Tours, est-ce une chose que l’on te propose souvent ? As-tu eu d’autres initiatives de cet acabit ?
Christopher : Non, j’ai juste fait la fresque ! On m’a dit 4 jours de boulot et c’est bon ! Un mois plus tard, je n’avais pas fini… Je ne pense pas recommencer ce genre d’initiative, sauf si me botte vraiment ! Peut être refaire un bar en entier…

Pour les colocataires, tu as travaillé avec Sylvain Runberg (Orbital), comment l’as-tu rencontré ?
Christopher : Sylvain cherchait un dessinateur, Luc Brunschwig me disait que je serais parfait mais que je n’aurai jamais le temps de m’y atteler et que l’histoire se passant à Aix en Provence, je n’y connaissais rien ! J’y ai vécu 18 ans ! Depuis, je me suis aperçu que je connaissais Sylvain depuis longtemps, probablement même lors de nombreuses fêtes sur Aix !

Si tu avais une « gomme magique » pour modifier après coup n’importe quel aspect de la BD, est-ce que tu l’utiliserais et si oui, sur quoi ?
Christopher : Non, je ne relis jamais mes planches ! (rires) Sinon j’effacerais l’album entier !

Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d’un autre auteur de BD (pour mieux comprendre son talent), qui irais-tu visiter ?
Christopher : Franquin ou Eisner !

Merci à toi, Christopher !