Doug Braithwaite a un CV plus long que le bras et une carrière que beaucoup d’auteurs de comics rêveraient d’avoir. Il a travaillé pour les plus grands et dessiné un nombre impressionnant de personnages pour toutes les maisons d’édition américaines. Il a même côtoyé et travaillé avec l’immense Alex Ross à ses débuts pour un projet pharaonique chez Marvel : Universe X et Paradise X ! Désormais dessinateur vedette de Valiant, il est omniprésent pour la firme en collaborant avec de nombreux grands scénaristes comme Joshua Dysart ou Matt Kindt, posant sa patte graphique sur des séries ambitieuses comme Imperium, Ninjak, Bloodshot, Unity ou X-O Manowar. Invité star d’Angoulême, Doug répond à toutes nos questions avec une élégance toute british. Mais c’est surtout une extrême gentillesse qui se dégage de cet artiste phénoménal. Un monument, tout simplement !
interview Comics
Doug Braithwaite
Bonjour Doug Braithwaite. Pour les lecteurs qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te présenter rapidement ?
Doug Braithwaite : Je suis un dessinateur de comics depuis près de trente ans. J’ai travaillé pour toutes les maisons d’édition : Dark Horse, DC, Marvel, Image et maintenant, je travaille pour Valiant. C’est super d’être avec eux et j’en suis très content.
Tu as tout fait dans ta carrière…
DB : Oui j’ai eu beaucoup de chances de dessiner bon nombre de personnages pour Marvel et DC notamment.
Tu as quasiment démarré avec le Punisher. Raconte-nous comment cela s’est passé.
DB : J’ai eu la chance d’avoir l’occasion de travailler sur le Punisher il y a plus de vingt ans. J’ai travaillé d’abord pour DC Comics mais j’étais aussi en contact avec quelques collègues qui étaient chez Marvel Inc. Ils ont voulu travailler avec moi car ils pensaient que j’avais du potentiel même si Marvel n’avait jamais entendu parler de moi. On a travaillé sur six numéros. J’étais très jeune. Après cela, on a fait d’autres runs sur le Punisher pendant plusieurs années mais c’était difficile. C’est ma première expérience de production régulière de comics et quand cela s’est fini, j’ai eu besoin d’une pause ! (rires) ! Publier tous les mois en travaillant dur toutes les semaines, c’était vraiment difficile. J’ai ensuite quitté le Punisher pour travailler sur d’autres séries chez DC. Puis, je suis revenu sur le Punisher avec le Punisher Max de Garth Ennis qui est un bon ami à moi. J’ai l’impression de toujours revenir vers ce personnage ! J’étais heureux de dessiner le Punisher de Garth Ennis. Celui qu’il a développé, c’est vraiment le Punisher !
La saga Earth X, Uiverse X et Paradise X est-elle la plus incroyable que tu aies jamais vue ?
DB : C’est la plus brillante analyse de l’univers Marvel. Les recherches que j’ai dû faire et le travail que cela demandait, c’était incroyable. Je n’ai pas participé à Earth X mais quand je suis rentré dans le projet, tu n’imagines pas tout ce que j’ai dû faire ! J’ai lu beaucoup de comics, je devais trouver les costumes et changer tous les personnages de Marvel. J’étais encore assez jeune à l’époque. C’était un défi et cela m’a beaucoup aidé à me développer en tant qu’artiste : la façon de raconter une histoire et le développement de mes crayonnés. J’ai beaucoup aimé travailler sur ces grands personnages et on a démarré une grande collaboration avec Alex Ross et Jim Krueger. C’était un très bon moment pour moi.
Comment s’est passée ta collaboration avec Alex Ross ?
DB : C’est amusant car quand j’ai accepté le projet, je n’étais pas sûr de savoir ce que je voulais faire ensuite. Un ami à moi, Richard Taylor, était très proche de Peter Jackson. Richard est même venu manger chez moi. Il a essayé de me convaincre de rejoindre l’équipe qui travaillait sur Le seigneur des anneaux pour dessiner les armures et les costumes. Et j’ai répondu que je n’étais pas sûr du tout (rires) ! Mon job, c’était le comics. Je voulais quelque chose de différent et d’excitant mais dans le domaine du comics. Quand je suis arrivé à New York pour voir les éditeurs, rien ne s’est présenté à moi. J’ai donc failli accepter le projet sur Le seigneur des anneaux ! Puis, à ce moment-là, Alex m’a appelé, ce qui m’a beaucoup surpris. Il m’a félicité sur mon travail et ma façon de raconter les histoires. Il m’a proposé de travailler sur quelques numéros qui suivraient Earth X. La série avait eu beaucoup de succès mais il ne voulait pas s’arrêter là. J’ai su tout de suite que c’était quelque chose que je voulais faire car cela m’a permis d’évoluer dans le Marvelverse. J’ai donc travaillé sur Universe X et cela a bien fonctionné puis j’ai enchaîné avec Paradise X.
Entre toi et Alex Ross, qui faisait quoi sur Justice ?
DB : Pendant que l’on travaillait sur Paradise X, Alex Ross m’a parlé d’un autre projet qu’il envisageait de faire, une sorte d’histoire similaire mais chez DC cette fois en reprenant également de nombreux personnages. Cela semblait intéressant à la base. Le plan de départ, c’était que je fasse les crayonnés et l’encrage et Alex interviendrait seulement sur le concept de l’histoire et le design de certains personnages. Puis, il y a eu des changements et Alex m’a demandé s’il pouvait peindre mes dessins. Mon style graphique n’est pas facile à encrer ni à coloriser car ce n’est pas super « propre », pas vraiment simple. C’est plus de l’illustration que du crayonné. J’étais donc réticent sur ce changement. Mais Alex voulait vraiment travailler pour DC. J’ai accepté mais j’ai ensuite changé d’avis car Alex était déjà une star iconique et j’avais peur que mon travail soit perdu à son contact, simplement par la présence de son nom. Il a réussi à me convaincre malgré tout que cela pouvait fonctionner. Alex est très bon pour cela car il fait attention aux artistes avec qui il travaille et il sait fédérer autour de lui. On a fait quelques essais d’illustrations et de couvertures ensemble et cela fonctionnait. C’était un travail difficile mais c’était du beau travail.
Comment as-tu démarré chez Valiant ?
DB : J’étais à un spectacle à Philadelphie et Warren Simmons est venu me parler. Il voulait relancer Valiant avec Denish Shamdasani. Je travaillais encore pour Marvel et c’était mon éditeur exclusif. Je travaillais sur Secret Invasion à l’époque. Six mois plus tard, j’ai eu une autre conversation avec lui après ce temps là. Je ne pouvais pas faire autre chose qui n’était pas de chez Marvel et il fallait attendre que mon contrat d’exclusivité se termine. Le projet était vraiment intéressant car Warren m’avait raconté tellement de choses passionnantes sur la planification de Valiant ! Il m’a demandé de rejoindre l’équipe passé ce temps là pour développer tout cela. Ils ont des scénaristes formidables : Matt Kindt, Joshua Dysart, Robert Venditti.., C’était le nouveau challenge que je recherchais après avoir travaillé pour Marvel et DC. Cela allait en plus dans une autre direction. J’ai accepté et je ne ressens aucun regret car c’est un plaisir de travailler pour eux.
Tu travailles seulement pour Valiant désormais ?
DB : Je travaille exclusivement pour eux car je veux vraiment les aider à développer leurs personnages. Je ne veux pas avoir d’autres occupations qui m’empêcheraient d’être concentré là-dessus. Ils continuent à faire de bons comics avec de bons créateurs et c’est génial de travailler pour ce projet.
Tu as dessiné bon nombre de personnages chez Valiant. Lequel préfères-tu ?
DB : Visuellement, les gens qui me connaissent peuvent penser que le personnage qui me va le mieux est X-O Manowar à cause de la science-fiction, de la fantasy et du dynamisme des scènes d’action. C’est génial c’est sûr mais cela dépend surtout du scénariste pour moi. Je ne m’intéresse pas beaucoup aux personnages ou à leur devenir. Matt Kindt est un scénariste incroyable. Il est très rapide et il a toujours des idées originales. C’était génial de travailler avec lui sur la série Ninjak. Armor Hunters avec Robert Venditti était aussi très intéressant ainsi que le travail de Joshua Dysart sur Imperium. Toutes les séries Harbinger sont supers également. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire racontée. L’histoire est très importante car au fond, le personnage ne change pas beaucoup ou pas du tout. J’espère qu’il y aura plus de personnes qui liront tout cela car il y a de belles choses à découvrir.
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Tu as beaucoup fait pour le comics… si ce n’est presque tout. N’es-tu pas un peu fatigué ou lassé à la longue ?
DB : Je suis fatigué par le voyage d’aujourd’hui (rires) ! Non, je ne me sens pas fatigué. Je ne crois pas non plus qu’on voit quelque chose du genre dans mon style actuel. C’est amusant car j’ai parlé de cela à quelqu’un hier. Le comics fait partie de ma vie depuis que je suis enfant. Quand j’allais à l’école, j’avais toujours une personne qui me parlait de comics ou qui m’en prêtait un. Tout me ramenait à ça : mes petits jobs d’été, mes études et mes professeurs d’art… C’est quelque chose qui est toujours resté et a grandi en même temps que moi. J’ai toujours tout absorbé et je vois cela comme une progression naturelle. J’adore dessiner. C’est une façon essentielle pour moi de m’exprimer. Quand j’étais jeune, j’étais timide et les dessins étaient la seule façon de m’exprimer. Le comics était une façon pour moi de m’engager avec les autres. Cela m’a aussi aidé et appris à lire car je connecte toujours les mots avec les dessins. C’est une seconde nature pour moi. Je me plains parfois des problèmes de l’industrie, des relations que cela peut entraîner ou du business. Mais au fond, je n’ai pas à me plaindre de quoique ce soit car c’est toujours quelque chose que j’ai voulu faire. Je suis très heureux d’avoir fait carrière. Je ne suis pas fatigué car j’aime juste raconter des histoires. C’est important pour moi : faire des histoires.
Merci Doug (et une pensée super forte pour Tex et Phiphi) !