C'est avec Six-Gun Gorilla que les lecteurs français ont pu découvrir le nom de Jeff Stokely, un artiste américain au style dynamique et soigné. Marquant les esprits, nous avons ensuite revu le dessinateur occasionnellement sur diverses séries et ce, ponctuellement. Il aura fallu attendre Le Beffroi, un récit ambitieux écrit par Simon Spurrier pour découvrir une autre facette de Jeff Stokely avec un visuel inspiré des univers de Miyazaki et de Mœbius. De passage à la Comic Con, nous avons pu retrouver un auteur très fatigué lors du dernier jour du salon. mais qu'importe la fatigue lrosque la bonne humeur est là !
interview Comics
Jeff Stokely
Bonjour Jeff Stokely, peux-tu tout d'abord te présenter aux lecteurs ?
Jeff Stokely : Je suis Jeff Stokely, j'ai commencé à travailler dans l'industrie des comics en 2009. J'ai vite travaillé pour Archaia, notamment sur Fraggle Rock. Ensuite, je me suis rendu en Californie où j'ai présenté mon travail à différents éditeurs, c'était assez cool. Après ça, j'ai fait Six-Gun Gorilla avec Simon Spurrier, un scénariste génial ! À l'origine, c'était un one-shot que l'on devait développer en story-board puis en comics. Ensemble, nous avons de nouveau collaborer sur Le Beffroi. Mon prochain livre sort pour Halloween et se nomme Piper avec Jay Asher, un romancier qui a souvent écrit sur des séries télé pour Netflix.
Quelles sont tes influences ?
Jeff Stokely : Elles ont constamment évolué. J'essaie aujourd'hui de prendre des choses dans la musique et dans celles de films entre autre. Pour Le Beffroi, je me suis vraiment inspiré du travail d'Hayao Miyazaki sur Nausicaä et de Mœbius. Enfin, j'espère avoir fait un travail correct comparé à ces deux légendes.
Comment as-tu bâti le monde du Beffroi ?
Jeff Stokely : Je ne voulais surtout pas copier ces deux monstres sacrés. Je voulais prendre des détails ou des éléments qui me plaisaient et les interpréter à ma manière. Pas de pinceau, juste des petits traits. Je voulais que mon graphisme soit méticuleux. Je ne voulais pas m'inspirer d'un seul artiste, mais des deux, et même d'autres d'ailleurs. Créer quelque chose de familier mais de contemporain, un mélange de Syfy et de fantasy. Je souhaitais que mon dessin soit très propre et en même temps un peu sale. Mœbius créé des costumes incroyablement simples et designés, c'était ma volonté aussi. Quand je suis tombé sur le travail de Mœbius, je devais avoir quoi ? 18-19 ans. Ce qu'il a montré dans Heavy Metal était juste stupéfiant. Il m'a influencé plus qu'aucun autre, plus que Saga par exemple, même si j'aime bien ce titre.
Mœbius s'inspirait lui aussi des autres artistes, voyant en eux certaines façons d'appréhender différemment l'art qu'il chérissait tant...
Jeff Stokely : Il n'y a plus vraiment d'originalité dans l'art. La différence entre un artiste et un autre est la manière dont nous interprétons nos influences et définissons nos styles personnels. Comment peut-on ne pas avoir un jour vu un dessin de Mœbius et être marqué par son trait, son univers ou son génie ? Sa capacité à se renouveler en permanence le rend incroyable pour des générations entières de dessinateurs.
Comment présenterais-tu Le Beffroi aux lecteurs ?
Jeff Stokely : Je ne suis vraiment pas bon dans cet exercice ! J'appelle un ami : Simon Spurrier ! [rires] En fait, c'est une histoire avec de la science-fiction, du fantastique, du polar, de la fantasy. Shâ est la commandante de la garde d'une grande cité. Son job est de découvrir qui a commis un meurtre. Elle va devoir se confronter à des problèmes de classes sociales et différents secrets liés à ce monde.
Avez-vous envie Simon et toi d'explorer une fois encore l'univers du Beffroi ?
Jeff Stokely : Je pense que l'on peut diviser le Beffroi en deux parties. La première a été sa création. Cela n'a pas été facile parce que je pouvais tout définir. Il ne fallait pas que ce soit trop bizarre ou trop réaliste. Cette société est construite à la façon d'une pyramide et chaque niveau permettait d'imaginer une nouvelle société. Simon m'en avait écrit de nombreuses mais j'aimais bien incorporer des éléments symboliques dans les décors ou dans les costumes. C'était très long et nous avons beaucoup échangé autour de ce monde. La seconde a été de pouvoir adapté notre univers au récit et cela fut compliqué car nous avions plein de choses à dire, à faire et à imaginer. Pour l'instant, Le Beffroi est un récit complet. Je voulais absolument faire plein de décors dans Six-Gun Gorilla, mais je ne me trouvais pas très bon. J'ai fait tout ce que j'ai pu mais sans certitude. Ce titre n'aura jamais de suite, c'était sympathique mais nous ne ferons pas de suite. Sur Le Beffroi, nous n'avons pas de plan mais il y a vraiment le moyen d'explorer le passé ou une autre planète, tester de nouveaux formats narratifs comme un roman illustré, je ne sais pas mais les possibilités existeront à l'avenir pour cet univers.
Sinon, c'est quoi Piper ?
Jeff Stokely : C'est un roman graphique pour jeunes adultes, une romance sombre teintée de fantasy. C'est l'histoire d'une jeune fille, Maggie, et qui rencontre une personne possédée. C'est un récit sur le bien et le mal, le choix de prendre la bonne décision. C'est très différent de mes autres titres et c'est vraiment excellent, même si je le vends mal [rires].
Et par la suite ?
Jeff Stokely : Je viens de débuter un récit moderne qui se déroule à New York et qui va demander autant de travail que pour Le Beffroi. C'est ambitieux et je ne peux rien te dire de plus !
Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d'un autre artiste pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
Jeff Stokely : Je n'irai pas dans la tête de quelqu'un. Je regarderai toutes les interviews vidéos d'Hayao Miyazaki ou de Mœbius pour ressentir tout ce qu'ils partagent. Sinon ce serait Sergio Toppi, un réel génie comme les deux autres. Savoir comment il imaginait ses dessins, serait intéressant.
Merci Jeff.