Nous avions eu déjà le plaisir de rencontrer John Higgins lors de la première édition de la Paris Comics Expo en octobre 2012. Celui qui est surtout connu comme le coloriste de Watchmen et The Killing Joke, est pourtant un dessinateur hors pair que l'on a pu (re)découvrir sur l'un des récits de Before Watchmen. Avec un trait minutieux et détaillé, il a su restituer toute la violence du récit La malédiction du Corsaire Sanglant, pour le plus grand plaisir des amateurs de récits de pirates. Présent en début d'année au Paris Manga & Sci-Fi Show, nous avons sauté sur l'occasion pour questionner plus longuement le sympathique artiste sur sa prestation, sur les préquelles du culte Watchmen mais aussi sur ses projets.
interview Comics
John Higgins
Cette interview est proposée en deux formats : vidéo en version originale et en version retranscrite. Faites votre choix !
Bonjour John Higgins, peux-tu te présenter aux lecteurs ?
John Higgins : Je m'appelle John Higgins, je dessine des comics. J'ai colorisé les Watchmen et The Killing Joke. Quant à Razorjack, c'est mon bébé perso.
Dernièrement, tu as travaillé sur un des récits de Before Watchmen...
John Higgins : Quand ils sont venus me voir pour Before Watchmen, j'espérais alors que l'on traite l'ensemble des personnages - ce que l'on a fait, jusqu'à un certain point. Je voulais alors reprendre Les contes du Vaisseau Noir, mais pour une raison ou une autre ils ne voulaient pas utiliser ce titre-là et Lein Wein est alors venu me voir avec ce titre, La malédiction du Corsaire Sanglant, pour que l'on puisse incorporer une histoire de pirates. C'est donc une histoire similaire à celle de Les contes du Vaisseau Noir, au sein de Before Watchmen. C'est similaire mais quand même différent, en restant une histoire de pirates. Mais j'aurais quand même préféré que ce soit Les contes du Vaisseau Noir. Je ne sais pas pourquoi, Les contes du Vaisseau Noir c'est un joli titre tandis que La malédiction du Corsaire Sanglant sonne un peu trop... flamboyant. Je préfère l'obscurité. Alan est si doué pour écrire la phrase parfaite, pour choisir les mots parfaits que Les contes du Vaisseau Noir vous filent la chair de poule. Mais j'ai aimé revenir à cet univers, même si ce n'était pas vraiment une histoire des Watchmen.
Qu'as-tu pensé des différents récits composant Before Watchmen ?
John Higgins : Je crois qu'il s'agissait de six ou sept personnages et je trouve que toutes étaient de bonnes histoires. Seules une ou deux d'entre elles concernaient vraiment des Watchmen. Alan est le seul à pouvoir écrire Watchmen, d'autres peuvent tous interpréter à leur manière ces personnages jusqu'à un certain point mais ce qui a fait la réussite de Watchmen est que c'était plus une histoire de meurtre, un polar qu'une réelle aventure. De plus, les super-héros y avaient tous ces problèmes et ces tourments qui sont les nôtres, mais
amplifiés. Les différents auteurs de Before Watchmen se sont servis de Watchmen comme d'une base mais il ne peuvent le faire que de manière limitée, je pense qu'ils ne voulaient pas prendre de risque avec le matériau originel. Ils ne pouvaient pas modifier quoi que ce soit à Watchmen donc, d'une certaine manière, cela a du les gêner. Mais il y a de très bonnes choses. Ce qu'a fait Amanda Conner avec Spectre Soyeux, j'ai trouvé que c'était une très belle introduction au personnage et comment cette super-héroïne est venue à être. Je trouve aussi que les Minutemen étaient un formidable coup de chapeau à Watchmen : l'organisation des cases, la colorisation,... On peut sentir que Darwyn Cooke a vraiment réfléchi à ce que pourrait donner Watchmen si je l'avais fait aujourd'hui. Dans l'ensemble, c'est très bon, les artistes et les auteurs sont géniaux mais Darwyn Cooke est vraiment celui qui a réussi le mieux. Sur Before Watchmen, tu as montré aussi à ceux qui l'ignoraient quel formidable dessinateur tu es...
John Higgins : Ahem, j'essaie de regarder autour de moi pour trouver ma coloriste car ma compagne, Sally Hurst, fait aussi les couleurs de mes planches, maintenant et on a travaillé tous deux sur La malédiction du Corsaire Sanglant. Quand Lein Wein m'a proposé le titre et m'a demandé ce que je voulais y apporter et j'ai beaucoup aimé le fait de pouvoir prendre les rênes, d'écrire et d'illustrer en même temps pendant que Sally aidait aux couleurs. Et j'apprécie vraiment ce que tu me dis car beaucoup de gens de par le monde me connaissent surtout pour mon travail sur les couleurs de Watchmen ou de The Killing Joke, car c'est plus de gens ont lus ces ouvrages. Je fais aussi Judge Dredd ou ma propre série, Razorjack et plein d'autres choses comme HellBlazer/John Constantine et je m'éclate sur Before Watchmen. J'espère qu'avec La malédiction du Corsaire Sanglant, les gens vont comprendre que d'une, je peux raconter des histoires et de deux que je peux les illustrer. J'aimerais que les gens me voient donc sous un autre jour. En tous cas, les retours sont très positifs. Ces deux derniers jours, beaucoup de gens sont venus nous voir avec de très belles rééditions, d'Urban, je crois, qui est l'éditeur français qui a fait une magnifique réédition. Ils ont réorganisé et revu l'ensemble et c'est tout simplement superbe. Et ces gens me cherchent et viennent m'approcher en tant qu'illustrateur, ce qui est génial. Je fais des dédicaces, des croquis, ce genre de trucs. J'espère donc que la perception que les gens ont de moi va changer après avoir passé 30 ans à n'être vu qu'en tant que coloriste.
Après Watchmen puis Before Watchmen, tu serais partant pour un après-Watchmen ?
John Higgins : A l'époque où les gens commençaient à évoquer l'idée de Before Watchmen, Grant Morrisson a dit quelque chose de très juste, il a dit qu'il ne fallait pas se contenter de revenir uniquement sur les origines des Watchmen, aussi brillante que soit cette série, mais encore avant ça, sur les personnages qui ont servi de base aux Watchmen. C'est à dire sur les personnages des Charlton Comics. Charlton a fini par être rachetée par DC mais ils avaient alors des personnages comme le Blue Beetle, Inkblot Man,... Tout le monde ne connait plus que Rorschach ou Nite Owl et compagnie, de nos jours. Et je trouve que, quitte à ré-imaginer les Watchmen, il serait bon que les gens puissent remonter aux sources de ces personnages car ce qui est bien avec Watchmen est que c'est un récit complet, déterminé. C'est ce que moi, Dave et Alan avons souhaité en le faisant. Mais je pense que quitte à ré-imaginer les Watchmen, autant alors en revenir aux matériau qui a servi de base aux Watchmen. J'aime cette idée et même si beaucoup de gens se sont interrogés sur la nécessité de revenir sur Watchmen, je trouve que le récit est si complet et excellent que cela vaut le coup.
Quels sont tes prochains projets ?
John Higgins : La dernière fois, on a parlé de Razorjack, dont une nouvelle intégrale sort chez Titan Books, je crois. Titan a fait beaucoup de réédition de titres américains, comme les comics de DC. Il y a ça, c'est sorti à la fin de l'année dernière. Et j'ai aussi discuté avec un éditeur français. Donc, il y a plusieurs projets en cours mais les clauses de confidentialité m'empêchent d'en parler.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un auteur pour en comprendre le génie, qui irais-tu visiter ?
John Higgins : Il y en a tant mais je pense que je choisirais Mœbius. Mœbius m'a plus influencé que n'importe quel autre artiste. Métal Hurlant m'a donné l'envie d'être un artiste dans les comics. Quand j'étais à la fac, on avait alors accès aux imports français. Mœbius, son imagination, le fait qu'il ait pu faire Blueberry pendant 25 ans puis se réinventer complètement, c'est incroyable. Il n'est jamais devenu ennuyeux, il a toujours su rester original et différent.
Merci John !
Remerciements à Claire Regnault pour l'organisation de cette rencontre, à Alain Delaplace pour la traduction, à Nicolas Demay pour sa session photo, à la WIP agency et à la jolie Loki !
