interview Comics

Kelly Sue Deconnick

©Glénat édition 2015

En l'espace d'une dizaine d'années, Kelly Sue Deconnick est parvenue à se faire un nom dans le monde des comics. Cette scénariste au parcours pour le moins atypique (mais toujours lié au 9e art) s'est très vite retrouvée aux commandes de séries mainstream chez Marvel comme Avengers Assemble ou Captain Marvel. Collaborant avec des dessinateurs prestigieux mais aussi avec des scénaristes renommés comme Warren Ellis ou Brian Michael Bendis, Kelly Sue Deconnick s'est ensuite lancé dans des séries en creator-owned avec succès. Pretty Deadly et Bitch Planet ont su convaincre bon nombre de lecteurs aux USA. Et la France ? Glénat Comics travaille à leur persuasion...

Réalisée en lien avec les albums Pretty Deadly T1, Le Feu et la Roche T5, Ghost T1
Lieu de l'interview : Galerie Glénat

interview menée
par
6 décembre 2015

Bonjour Kelly, peux-tu te présenter et nous dire comment tu as commencé à travailler dans l'industrie des comics ?
Kelly Sue Deconnick : Je m'appelle Kelly Sue Deconnick, j'ai débuté dans les comics plus de fois que je ne pourrais le dire et je ne suis même pas sûre de pouvoir vous dire quelle est l'histoire de mes origines dans le métier, pour être honnête. Mon premier job rémunéré a consisté à écrire des critiques – il s'agissait plutôt d'un catalogage – pour le site artbomb.net que j'avais co-fondé avec Warren Ellis, Peter Rose et Matt Fraction. Puis, pendant près de 7 ans, j'ai écrit des adaptations en anglais de bandes-dessinées japonaises et coréennes avant de percer dans les comics US.

Kelly Sue Deconnick Ghost Deux de tes séries, Ghost et Pretty Deadly, viennent de sortir chez nous. Pourrais-tu nous en parler un peu et les présenter à nos lecteurs ?
Kelly Sue Deconnick : Ghost parle d'Elisa Cameron qui était une journaliste d'investigation jusqu'à un accident, qui lui a donné ses pouvoirs. C'est une série qui existait déjà et j'ai été amenée à travailler sur ce titre afin de le relancer; il y avait déjà eu tout un run, précédemment, dans les années 90. Ce que j'ai voulu faire, avec ce personnage, c'était surtout de mettre le focus sur les véritables héros que sont les journalistes d'investigation, des champions de la vérité qui mettent en danger leurs vies, leurs réputation et leurs fortunes afin de nous protéger. Je trouve que c'est un joli parallèle avec les super-héros ou encore les héros tels qu'on les considère dans notre monde réel. J'avais donc à l'esprit le fait qu'Elisa était une héroïne avant même d'obtenir ses pouvoirs qui n'ont donc fait que transcender ce qu'elle était déjà. Ce qui vient d'être publié, ici en France, est une mini-série en cinq numéros qui était le reboot du personnage, un reboot que l'on doit aussi à Phil Noto et à Patrick Thorpe, notre éditeur, qui s'est battu pour nous et pour notre idée, pour ce que l'on voulait faire avec cette série. Et si ça marche bien ici, il y en a encore derrière puisque j'ai continué la série avec un nouveau numéro 1, avec Chris Sebela, et il s'avère que le troisième numéro de ce run est un des scripts préférés, parmi tous ceux que j'ai écrits. Pretty Deadly est un western mythologique. C'est une série immersive et qui n'a pas une narration linéaire traditionnelle et dont la lecture peut désorienter une peu. Ça raconte l'histoire de la Mort qui tombe amoureux et fait des choix qui vont détruire la fabrique même de l'univers, qui va peu à peu s'écrouler, et aussi de qui va se charger de reconstruire cet univers, de ce qui va se passer par la suite. Ça commence dans le vieux far-west et le récit conserve les caractéristiques de ce genre tout du long. Le premier tome contient le premier arc, étalé sur 5 numéros, et il y aura quatre arcs et demi au total. Et le deuxième arc se déroule un peu plus tard, juste avant la Première Guerre Mondiale.

Tu as aussi travaillé sur Captain Marvel, avec une nouvelle version du personnage : quelle a été ton approche du personnage afin de parvenir à distinguer ta version de celles qui l'ont précédée ?
Kelly Sue Deconnick : Le défi, dès lors que l'on travaille sur un personnage déjà bien établi, est de parvenir à y injecter son propre style et ses propres convictions dans la série tout en restant fidèle au personnage afin de ne pas se mettre à dos les lecteurs qui en sont fans de longue date. Il faut essayer de Kelly Sue Deconnick Captain Marvel comprendre les fondamentaux du personnage. Connaitre son histoire et sa continuité, c'est bien mais ce n'est pas le plus important : il faut comprendre l'essence même du personnage et s'assurer que, quoiqu'on en fasse par la suite, on préserve cette essence. Avec Carol, il me semblait qu'elle était essentiellement une personne volontaire, décidée et aussi une accro à l'adrénaline. Elle est vraiment dépendante à ça et, comment dire, j'emploierais l'adage « Toujours plus haut, toujours plus vite, toujours plus ! ». Elle essaie d'en faire un tout petit peu plus, de dépasser ne serait-ce que d'un chouïa ce qu'elle avait fait la fois précédente. Carol est toujours en compétition avec Carol. Je crois que c'est cette idée essentielle que l'on a distillé de ce qui avait été fait avant nous, son essence. Et je vois aussi Carol comme Chuck Yeager [NDT : Chuck Yeager est une figure mythique de l’Amérique du 20e siècle, premier pilote à avoir dépassé le mur du son (regardez donc le film L'étoffe des héros)], je la conçois avec ce swag inhérent aux héros typiquement américains, les pilotes d'essai.

Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'une personnalité, présente ou passée, afin de mieux comprendre sa vision du monde, sa logique, son art ou encore ses techniques, qui choisirais-tu et pourquoi ?
Kelly Sue Deconnick : Je ne sais pas... Je pense que je devrais avoir une réponse à cette question.

Peut-être l'esprit de Matt ? [rires]
Kelly Sue Deconnick : [rires] Non, on vit déjà ensemble. [hésite encore] Je bloque parce que je me dis qu'il y a probablement quelqu'un, dans les étagères de ma bibliothèque... Dès que je vais être rentrée, je vais vouloir t'envoyer un email pour te dire « Tu sais quoi ? Je dirais Untel ». Mais là... Allez, comme ça, je dirais Aliénor d'Aquitaine. C'est un personnage historique que je trouve très intéressant et elle a vécu il y a si longtemps de ça que je ne peux pas en savoir assez sur elle, aujourd'hui. Je pense que j'ai une meilleure réponse à ta question mais voilà ce que je dirais, à brûle-pourpoint.

Merci Kelly !

Remerciements à Alain Delaplace pour la traduction et à la galerie Glénat pour son accueil !

Kelly Sue Deconnick Pretty Deadly