interview Manga

Konami Kanata

©Glénat édition 2015

Qu’on soit petit ou grand, Chi nous enchante avec sa petite bouille mignonne et ses bêtises, et nous touche dans ses moments de peur et de doutes, tout comme ses amis, qu'ils soient chats ou humains. Mais comment est venue l’idée de Chi ? Pourquoi remporte-t-elle autant de succès ? Pourquoi ne peut-on rester insensible à cette série ? Alors que l’histoire touche à sa fin en France, nous avons pu rencontrer l’auteur pour essayer de répondre à ces questions...

Réalisée en lien avec les albums Chi - une vie de chat T10, Chi - une vie de chat T9, Chi - une vie de chat T8, Chi - une vie de chat T7, Chi - une vie de chat T6, Chi - une vie de chat T5, Chi - une vie de chat T4, Chi - une vie de chat T3, Chi - une vie de chat T2, Chi - une vie de chat T1
Lieu de l'interview : Editions Glénat

interview menée
par
31 janvier 2015

Comment êtes-vous devenue mangaka et quel est votre parcours ?
Konami Kanata : J’appartenais au club de manga de mon université où j’ai réalisé des planches, que j’ai ensuite emmenées chez l’éditeur Kodansha, et c’est comme ça qu’a commencé ma carrière. Après avoir apporté mes planches, j’ai débuté avec des petites histoires humoristiques sur les chats. Ensuite j’ai enchaîné des petites histoires sur d’autres choses, des pingouins, des hommes, des diables de Tasmanie... jusqu’à arriver à un titre qui s’appelle Fuku fuku fukunyan qui est aussi une histoire de chat et que je poursuis encore aujourd’hui depuis 20 ans, et enfin à Chi.


konami Kanata chi chat

Que diriez-vous à quelqu’un qui ne connaît pas le manga pour lui donner envie de le lire ?
Konami Kanata : Je suis moi-même étonnée de constater que Chi se perd à la première page du premier tome, c’est très rare qu’un personnage fasse cela, donc il faut que vous voyiez cela, c’est unique au monde (rire).


Quand on commence la lecture, cela fait penser au début du célèbre roman de Sôseki Natsumi, Wagahai wa neko de haru (Je suis un chat), est-ce voulu ?
Konami Kanata : Non, ce n’est pas du tout fait exprès, je n’y avais jamais pensé.


Est-ce que la série Chi était destinée à un public jeunesse à l’origine ?
Konami Kanata : Pas du tout. A l’origine, Chi était publié dans le magazine Morning de Kodansha, qui se destine aux jeunes adultes.


konami Kanata chi chat Pourquoi un manga sur les chats dans ce type de magazine alors ?
Konami Kanata : A l’origine, la série n’a pas été destinée qu’aux enfants pour qu’elle puisse être lue par la famille toute entière. C’était car mon mari et moi-même avions eu un petit chaton plein de vie, et le fait d’avoir eu cette énergie de la part du chaton nous a donné envie de faire partager ce sentiment à d’autres personnes, par exemple aux hommes d’un certains âges qui étaient peut-être fatigués, et le fait de lire ce manga leur transmettrait l’énergie que nous avions reçue de ce petit chaton.

Stéphane Ferrand : : Comme en France, où il y a beaucoup de lecteurs adultes car le titre est très agréable. Et éditorialement parlant, lorsque l’on veut toucher un public d’enfants, il faut d’abord penser à toucher les parents, donc ce n’est pas plus mal d’avoir mis la série dans un magazine pour adultes, c’est assez cohérent.

Konami Kanata : Il y a une autre raison pour laquelle j’ai dessiné. Ce titre a aussi été fait par sentiment de remerciement envers ce chaton qui a intégré notre famille, et aussi des remerciements et une petite part d’excuse pour la maman du chaton qui a dû se séparer de son petit.


Votre chat s’appelle-t-il Chi aussi ?
Konami Kanata : Non, notre chat s’appelle Pi. Maintenant il est devenu grand, il a 16 ans.


konami Kanata chi chat En ce qui la concerne, Chi ne grandira pas, cela restera une histoire de chaton ?
Konami Kanata : Oui, dans la série, Chi restera toujours un chaton.


Pourquoi avoir appelé ce chat Chi, qui veut dire pipi comme c’est expliqué dans le premier volume, au lieu de lui avoir donné un nom plus classique ?
Konami Kanata : En fait, c’était l’idée de mon ancien responsable éditorial. J’ai moi-même été très étonnée de cette idée de nom pour le chat. Mlle Kitamoto ici présente est ma deuxième éditrice sur la série, et cela fait 10 ans que nous travaillons ensemble. Le premier éditeur avec qui j’avais commencé à travailler sur ce titre a été remplacé avant que l’histoire ne soit prépubliée, donc c’est vraiment avec Mlle Kitamoto que la série a été faite.


Au Japon, la série est publiée en noir et blanc. Pourquoi avoir choisi la couleur pour les volumes reliés, ce qui est assez inhabituel au Japon ?
Konami Kanata : Tout d’abord, quand j’ai commencé la série en prépublication, j’avais commencé avec des pages couleurs. Et là, le responsable éditorial de l’époque qui a vu ces pages avait dit « mais c’est génial, les couleurs sont très jolies, donc on va faire pas mal de chapitres en couleurs ». Donc au départ de la prépublication, il y a eu beaucoup de chapitres en couleurs, et au moment de réaliser le premier volume relié, on s’est rendu compte que la moitié des chapitres étaient finalement colorisés. On s’est donc dit « pourquoi ne pas tout faire ? » et on a colorisé le reste. Ensuite, c’est resté comme ça : les chapitres étaient prépubliés en noir et blanc mais on les colorisait pour la sortie en volumes reliés.


Puisqu’à l’origine, les planches sont faites en noir et blanc, avec du tramage, comment faites-vous pour ajouter la couleur ? Travaillez-vous sur des copies des planches d’origine avant tramage ?
Konami Kanata : Au moment où les planches sont encrées, je fais des photocopies, puis je trame les planches originales pour la publication en noir et blanc, et ensuite je reproduis la planche photocopiée sur une feuille d’aquarelle et je la colorise.


konami Kanata chi chat A propos de la couleur, c’est vraiment la spécificité de cette série, qui développe un langage et des sensations grâce à cela. Avez-vous eu des influences pour créer cette univers visuel ou l’avez-vous développé entièrement seule ?
Konami Kanata : Je n’ai pas une source d’inspiration précise. J’ai toujours aimé dessiner, donc à chaque fois je réfléchis pour créer mon propre style.


Comment vous est venu le design pour Chi ?
Konami Kanata : C’est basé sur une photo de Pi, mon chat, quand elle était enfant, et que j’ai simplement reproduit en dessin.


Comment travaillez-vous les expressions du visage du chat ?
Konami Kanata : Les expressions joyeuses de Chi, je les avais déjà en tête dès le départ en regardant des chats. Pour ce qui est des expressions de colère, ou les moues, c’est venu de mon éditrice, Mlle Kitamoto. Je la regardais pendant les réunions, et ce sont ses expressions que j’ai reproduites (rires).


Est-ce qu’il y a un gros travail pour saisir LA bonne expression ?
Konami Kanata : Je les travaille beaucoup pour pouvoir capter la bonne image. Je continue à travailler jusqu’à ce que je me rapproche le plus possible de l’image que je m’étais faite au départ, mais c’est parfois assez difficile.



konami Kanata chi chat ex-libris

Comment se déroule la création d’un chapitre de bout en bout ?
Konami Kanata : Sans rentrer dans les détails, il me faut une semaine pour réaliser le storyboard et les planches. Nous travaillons à trois avec mon mari et un assistant. Je me charge des dessins, mon mari s’occupe des aplats de noir et du tramage et l’assistant finalise les planches en dessinant quelques décors de fond.


Tous les possesseurs de chats se reconnaissent dans chacune des anecdotes. Quelle est la part de vécu dans tout cela et la part d’invention ?
Konami Kanata : La trame générale de l’histoire est plutôt de mon imagination, mais les mouvements des chats, tout ce qui est réel, ça vient de ce que j’ai vécu moi-même.


Minou et Noireaud jouent tous les deux le rôle de mentor pour Chi. Comment sont nés ces deux personnages et pourquoi avoir choisi de donner deux mentors à Chi ?
Konami Kanata : Tout d’abord, il faut savoir que Noireaud est une idée de mon éditrice, alors que Minou vient de mon fils. Chi a eu beaucoup de chance car elle a été adoptée tout de suite et est ainsi devenue un chat domestique. Mon fils a alors dit que si elle n’avait pas été trouvée, ce serait devenu un chat des rues, et c’est de là qu’est né le personnage de Minou.


Vous parliez tout à l’heure de vos influences. Pour continuer sur le sujet, êtes-vous fan d’autres œuvres parlant de chat, que ce soit en manga ou autre ?
Konami Kanata : Oui, j’adore What’s Mickael ?! que je trouve très drôle.


konami Kanata chi chat Vous avez énormément dessiné de mangas sur les chats et quelques-uns seulement sur d’autres sujets. Pourquoi cette thématique récurrente ? Y a-t-il d’autre univers que vous souhaiteriez explorer ?
Konami Kanata : J’ai déjà dessiné des œuvres sur d’autres animaux ou d’autres sujets en effet, et j’ai déjà pensé à aborder d’autres thèmes, mais le chat semble ce qu’il y a de plus adapté à ma manière de faire.


Chi commence à arriver sur d’autres supports, en dessin animé ou en produits dérivés. Est-ce qu’à terme elle dépassera Hello Kitty (rire) ?
Konami Kanata : Le design d’Hello Kitty me semble tellement bien fait, très simple mais très travaillé, que cela me semble quelque chose d’immense à dépasser. Mais j’aimerais que Chi soit autant aimée des petits enfants.


Concernant l’adaptation en animé, quel a été votre degré d’implication ?
Konami Kanata : Pour l’adaptation en dessin animé, j’ai pu transmettre tous mes souhaits par rapport à la série. J’ai pu faire pas mal de réunions avec l’équipe de production, et superviser toute la série. J’ai une pleine confiance en l’équipe qui a réalisé l’animé et le résultat est très bon.


La sortie de chaque volume reliée est annuelle, mais il me semble en plus que c’est à chaque fois le même jour de l’année, le 24 avril. Est-ce une date à laquelle vous teniez particulièrement ou est-ce le hasard du calendrier ?
Mlle Kinamoto : D’un point de vue marketing, en avril, les chats se vendent bien au Japon.


konami Kanata chi chat Sur votre blog Chi’s sweet travel , on peut voir une petite peluche de Chi qui vous accompagne dans tous les pays du monde que vous visitez. Envisagez-vous par exemple d’en faire un livre pour apprendre aux enfants à découvrir les pays du monde ?
Konami Kanata : Je n’avais pas du tout pensé à cela mais je trouve que l’idée est très bonne, donc tout dépendra de mon éditeur (rire).


Dans l’un des bonus de l’édition française de Chi, il y a des petits mots des éditeurs étrangers, et notamment de l’éditeur américain qui raconte qu’aux Etats-Unis, la série se vend mieux que les block busters de type shônen. Que pensez-vous de ce succès international, et pensez-vous maintenant au marché étranger lorsque vous dessinez de nouveaux chapitres ?
Konami Kanata : Evidemment, au départ je ne m’attendais pas à autant de succès en dehors du Japon. Aujourd’hui, lorsque je dessine, je garde quelque part en tête que d’autres enfants au-delà des mers lisent mon travail, mais je n’ai pas pour autant changé ma façon de travailler. Je reçois parfois des lettres qui viennent de l’étranger, par exemple de France, et cela me fait extrêmement plaisir.


konami Kanata chi chat Est-ce vous qui créez les bonus que l’on retrouve à la fin des tomes, qui les dessinez mais aussi qui les imaginez (petites figurines en papier à faire soi-même, petits éventails, etc.) ?
Konami Kanata : Non, les idées viennent de mon éditrice, Mlle Kitamoto.


L’édition française de Chi est publiée dans le sens de lecture occidental au lieu du japonais. Avez-vous un droit de regard sur le travail effectué sur vos planches pour le retournement ?
Konami Kanata : J’ai validé le concept au départ quand on m’a proposé la version en sens occidental, et ensuite j’ai fait totalement confiance à l’éditeur pour le travail sur les planches.


Si vous aviez le pouvoir de visiter l’esprit d’un autre artiste, pour y découvrir ce qui fait son génie, savoir d’où lui vient son inspiration, comment il réfléchit, etc., qui choisiriez-vous et pourquoi ?
Konami Kanata : J’aime beaucoup Hagio Moto, et Totoro (rire). Quand j’étais étudiante, je recopiais les dessins de Moto Hagio pour dessiner comme elle. Dans ses œuvres, il y a un manga qui s’appelle American Pie (non publié en France), et il y a dans ce titre un personnage que j’aimerais être. C’est dans la tête de ce personnage que j’aimerais pouvoir rentrer.


Merci !


konami Kanata chi chat ex-libris




Merci à Satoko INABA pour la traduction et aux éditions Glénat
Merci à Faustine LILLAZ pour certaines questions et pour l'intro

Toutes les illustrations de l'article sont ©Konami Kanata / Kodansha ltd