Avec un nom bien difficile à prononcer dans les pays latins, le dessinateur danois Peter Snejbjerg a néanmoins su se faire une place sur deux continents : l'Europe et l'Amérique du nord. En Europe, il a notamment collaboré avec Jean-Pierre Dionnet sur sa saga SF Des dieux et des hommes mais aussi récemment avec Jerry Frissen sur World War X. Peter Snejbjerg travaille aussi depuis de nombreuses années dans le monde des comics dans des registres très marqués comme les super héros ou l'horreur. De passage en terres bretonnes, le danois a su répondre à toutes nos questions avec un bel accent... viking bien sûr !
interview Comics
Peter Snejbjerg
Bonjour Peter Snejbjerg, peux-tu te présenter ?Peter Snejbjerg : Mon nom est Peter Snejbjerg. Je suis un dessinateur de bandes dessinées et j'ai surtout dessiné des comics américains. Je suis danois et je vis à Copenhague mais il y a vingt ans, j'ai commencé à travailler pour DC comics, principalement, chez Vertigo. Aujourd'hui, je travaille principalement pour Dark Horse Comics, où je dessine B.P.R.D. Je fais aussi une série française, World War X, avec Jerry Frissen qui est belge et vit à Los Angeles. Moi même étant danois et vivant à Copenhague, c'est une affaire internationale. World War X traite de science fiction, de conspirations, d'aliens,... C'est une œuvre très riche, très variée.
Quelles sont tes influences ?
Peter Snejbjerg : J'ai grandi en lisant des BD francophones, en fait. Quand j'étais très jeune, je lisais beaucoup Les aventures de Tintin. C'était vraiment mon truc. Mais aussi Valérian puis, plus tard, Mœbius et tous les autres grands auteurs. Adolescent, j'ai découvert l'édition américaine de Métal Hurlant, ce qui m'a aussi permis de découvrir certains auteurs américains comme Richard Corben ou Bernie Wrightson. Je me suis alors plongé dans l'univers underground des comics américains et à lire des comics en général. Je pense qu'étant donné que je ne parle pas le français, c'était plus simple pour moi, à mes débuts, d'approcher les américains et c'est comme ça que j'ai fini par travailler là-bas.
Tu as souvent collaborer avec John Arcudi...
Peter Snejbjerg : Pourquoi ? Eh bien il n'arrête pas de me filer du boulot (rires). John Arcudi et moi-même avons travaillé ensemble sur de nombreux projets mais... John m'a contacté pour faire A God Somewhere et depuis, nous avons fait beaucoup de choses ensemble. On aime bien travailler l'un avec l'autre. Il semble apprécier mon dessin et je pense que c'est un des meilleurs auteurs du moment. Je donc vraiment content de cette collaboration. Je suis d'ailleurs souvent heureux car j'ai la chance de pouvoir travailler avec les meilleurs auteurs aussi bien en France qu'en Amérique et c'est juste super de pouvoir travailler avec des auteurs talentueux. Je pense qu'il est réellement un des auteurs les plus parfaits qui soient. J'ai travaillé avec d'autres auteurs et ça marche aussi très bien mais le truc avec John c'est qu'il a des idées grandioses, conceptuellement. C'est génial mais ça implique aussi toujours des projets de grande envergure. B.P.R.D., par exemple, est un comics de super héros mais, en même temps, il manipule des idées et des concepts très poussés. Mais c'est aussi fun de pouvoir faire, de temps à autre, des choses plus simples, plus orientées vers l'action. J'espère au final pouvoir encore travailler à de nombreuses occasions avec John, au cours des 25 prochaines années.
Comment définis-tu le style adapté à chaque album que tu réalises ?
Peter Snejbjerg : Je n'adapte jamais de manière consciente mon style aux différents projets sur lesquels je travaille, ça se fait tout seul. Sur World War X, par exemple, j'ai constaté que le trait devenait progressivement plus Européen et c'était tout à fait involontaire. Sur A God Somewhere, en revanche, je pense que c'était voulu. Quand je l'ai commencé, je venais de finir d'illustrer pas mal d'histoires sur la seconde guerre mondiale et je pense que ça m'a influencé. Mon style était en tout cas influencé par les comics de guerre américains des années 50 et l'imagerie Hollywoodienne. Quand j'ai commencé A God Somewhere, qui se déroule de nos jours en Californie, je voulais que ça ait l'air différent. Sinon, non, je ne prends pas ce genre de décisions de manière consciente, je ne crois pas pouvoir le faire volontairement, en fait.
Peux-tu nous parler un peu de ton prochain passage sur B.P.R.D. ?
Peter Snejbjerg : Je ne peux bien entendu rien dire sur ce qui n'a pas encore été publié mais en plus, je pense que personne en dehors de John n'a la moindre idée de ce qui va se passer (rires). Mais l'histoire sur laquelle je travaille en ce moment est centrée sur Johann Kraus. Il va y avoir des monstres, du gore...
As-tu envie d'écrire ton propre récit ?
Peter Snejbjerg : C'est quelque chose que j'aimerais vraiment faire mais ça m'a aussi toujours fait un peu peur. J'ai travaillé avec d'excellents auteurs et je me dis "à quoi bon? ils seront de toute manière meilleurs que moi, je n'aurai jamais leur niveau". Mais en même temps, ça me tient vraiment à cœur alors je vais peut être essayer de me lancer sur un projet modeste. Rien n'est fait mais ça viendra.
Que retiens-tu de ton passage sur The Boys ?
Peter Snejbjerg : C'est très marrant mais c'est aussi du Garth Ennis. Il est lui aussi un excellent auteur mais le travail avec lui est très différent du travail avec John... Je n'arrive pas à dire en quoi ou pourquoi mais Ennis arrive à faire des choses qui me mettent mal à l'aise, difficiles à illustrer. Les histoires sont très chouettes. Je ne sais pas combien de volumes ont été traduits en français... Mais oui, c'est lui aussi un très bon auteur.
Si tu avais le pouvoir cosmique de visiter le crâne d'un artiste pour en comprendre son génie, qui irais-tu visiter ?
Peter Snejbjerg : Ouh, dur. Il y en a tellement. Je pense que j'irai visiter le crâne de quelqu'un qui travaille très dur, histoire de comprendre comment il fait pour tenir la cadence (rires). Quand on prend de l'âge et de la bouteille, on réalise que le dessin en soi n'est pas la chose la plus difficile. Ce qui l'est, c'est de rester concentré. Je retournerais dans le passé pour voir comment Kirby faisait pour tenir la distance mais peut être que le secret est d'être fou pour parvenir à garder toujours le même niveau d'énergie. Je ne sais pas si ça serait vraiment utile.
Merci Peter !
Remerciements spéciaux à Alain Delaplace pour la traduction et la relecture.
En bonus, l'interview filmée et non doublée...