L'histoire :
Japon, 1955. Dans un bus public sont acheminés des prisonniers attachés les uns aux autres, un sac sur la tête avec des trous pour les yeux. Une petite fille dans le bus fait tomber sa poupée en les voyant, et l’un d’eux la ramasse pour lui rendre mais la fille prend peur : tout le monde pense qu’il a tenté de voler le jouet. En guise de remerciement, la fillette lui jette la poupée dessus et le maton lui assène un coup de matraque. Le ton est donné : ils sont maintenant des déchets qui n’ont plus rien à faire auprès des gens « biens ». Arrivés à la prison, ces six nouveaux prisonniers, des mineurs, vont rentrer dans le monde carcéral de la pire façon qui soit : le médecin les met tout nu avant de fouiller leur anus devant les autres à l’aide d’un bâtonnet. L’un des jeune est métis et semble au goût du médecin qui préfère alors utiliser son doigt, avant de le prévenir qu’ils passeront bientôt du bon temps ensemble... Tous sont ensuite conduits dans la même cellule où les attend déjà un unique détenu, censé leur expliquer le fonctionnement de la prison, mais ce dernier ne pipe mot. Le ton monte et les nouveaux en viennent aux mains mais l’ancien les matte tous bien vite avant de leur donner leur première leçon : quand on est poli, on se présente avant toute chose. Pour se faire pardonner, le métis lui offre une clope qu’il avait réussi à cacher dans sa bouche, mais l’ancien la partage avec tous ses nouveaux compagnons de cellule : tous en ont bavé dehors ; ici, ils devront être solidaires dans l’adversité s’ils veulent tenir...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec cette série, le scénariste qui est né en 1937 et a donc connu le Japon d’après-guerre nous offre un récit poignant, puissant, qui ne fait pas dans la dentelle, va droit au but et use de tous les poncifs pour faire passer son message. Car oui, le récit regroupe tous les poncifs ou presque sur le milieu carcéral et sur cette époque du Japon : maton sadique et meurtrier, médecin pervers et violeur, métis maltraité, trafic d’enfants dans les orphelinats, esclavage sexuel... Mais, sachant qu’il s’agit là plus d’un témoignage romancé que d’une simple fiction et qu’il n’y a pas de fumée sans feu, on se dit que ces poncifs doivent bien sortir de quelque part. Bref, l’auteur est là pour témoigner, pour dénoncer, plus que pour réaliser un scénario subtil. Certains adhérerons, d’autres pas. Ce qui est sûr c’est que le lecteur qui passera outre les défauts pour se concentrer sur les qualités pourra s’immerger sans peine dans une lecture très prenante où l’on s’attache rapidement aux héros stéréotypés et où l’on souffre avec eux, où l’on ressent pleinement l’injustice qui les touche, d’autant plus que la majeure partie d’entre eux se retrouvent en prison pour des raisons illégitimes ou pour avoir tenté de survivre avec les moyens à leur disposition dans cette époque difficile : l’un se prostituait pour vivre et a résisté à un viol, l’un est un petit voleur, l’un a défendu une lycéenne contre un prof violent, l’un a trop blessé l’agresseur de sa mère... Bref, sans être pour autant des saints, le parti est tout de même pris : ce ne sont pas des mauvais bougres ! Les graphismes, parfois caricaturaux pour rester dans le même registre, mettent néanmoins très bien en avant les sentiments des personnages, notamment dans les passage exacerbés, très nekketsu, où ces prisonniers adolescents n’hésitent pas à pleurer des torrents de larmes pour exprimer la douleur qui meurtrit leur cœur plus que leur corps. A ce jeu, le dessinateur est très fort et fait de chaque passage important un moment intense. Plus basiquement, l’ensemble des graphismes est très travaillé à tous point de vue : mise en page, découpage, tramage, décors, effets de style... Rien ne manque et on peut dire que le style du mangaka, qui rappelle par ailleurs un peu celui de Hiraki Arai, l’auteur de The world is mine (Sakka), colle à merveille à ce type de récit. Une œuvre à lire, au moins à essayer sur ce premier tome, tant pour son fond historique que pour sa forme frappante qui est à la fois son plus gros défaut et sa plus grosse qualité.