L'histoire :
En 1976, Jean-Paul Karolzack – dit Polzak en raison de ses origines polonaises – fait son premier jour en tant que brigadier au sein d’un commissariat de la banlieue parisienne. Et déjà, il montre son excellente connaissance du terrain : le petit gros que ses collègues molestent pour vol de mobylette, c’est Momo, son ancien voisin de la cité des Mirabelles ! Aussitôt, il désamorce les tensions en prenant en charge Momo, alors âgé de 13 ans, dans son bureau. Sans faillir à son devoir de policier, il se révèle fin psychologue et lui donne une bonne leçon… en le coinçant quelques heures sous son bureau ! 10 ans plus tard, on le retrouve à une sortie de prison. Avec un collègue de la PJ, ils espionnent les fréquentations de Bolo, un gros truand qui sort pile ce jour là. Etonnamment, Bolo est cueilli par le même Momo, qui a grandit, et son pote Rachid, dit Ferrari. Polzak étonne son partenaire, par son excellente connaissance de ces caïds de menu fretin, en passe de devenir de vrais requins. Les trois compères ont tôt fait de repérer les policier et de les semer. Plus tard, Polzak retourne aux Mirabelles et tente de faire parler Momo sur le sens de ses accointances avec le grand banditisme… en vain.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A des années lumières des genres dans lesquels il évolue d’ordinaire (La croix de Cazenac, Voyageur…), Pierre Boisserie révèle à travers cette mise en bouche une autre facette de son talent, autrement plus convaincante que ses précédentes productions. On ne croirait tout simplement pas avoir affaire au même scénariste ! Peut-être faut-il y voir l’influence bénéfique du coscénariste, Frédéric Ploquin, dont c’est la première œuvre de BD ? D’emblée, la narration étonne par son ton ultra-réaliste. On se situe ici à mi chemin entre le polar et la chronique sociale, prenant tous deux pour cadre les banlieues désœuvrées et violentes, pas très loin du docu-fiction. Boisserie se joue de tous les clichés, surpasse tout instinct moralisateur et dépeint une situation alarmante et très crédible qui laisse le lecteur pantois. La vie sordide de cette jeunesse résulte d’un passif d’ingérence sociale tellement lointain et enraciné, qu’il parait vain de vouloir changer les choses. Nous sommes pourtant au cœur des années 80, bien avant les insurrections urbaines des années 2000. Cette peinture sociale, terriblement authentique, prépare cependant le terreau d’une intrigue policière à hautes tensions. Dans une seconde partie, on assiste en effet à une mutation de nos protagonistes, diversement appelés sauvageons ou racailles, de la moyenne délinquance vers le crime organisé et déshumanisé. Sur un découpage et un rythme idoine, le dessin élégamment encré et réaliste de Luc Brahy fait la part belle aux personnages, mais manque singulièrement de caractère pour « rendre » le décor des cités (ne serait-ce point des photos mal trafiquées ?). Notons également qu’en raison d’une scène de torture qui prend aux tripes, il est conseillé de ne pas laisser cette BD entre toutes les mains. Ce premier tome laisse augurer d’un excellent polar violent à la française, dans la droite lignée des Enragés de David Chauvel. En tous cas, les éditions 12bis entament leur collection franco-belge sous de fort bons auspices…