L'histoire :
En octobre 1948, un capitaine de la légion étrangère contacte Daguet, un ancien résistant communiste, dans une fumerie d’opium de Saigon. Il lui propose – lui impose même – de se mettre au service de son unité. En effet, son excellente connaissance de la compagnie de chemin de fer transindochinoise où il travaille, ainsi que son expérience d’ancien maquisard, en font un élément incontournable de leur prochaine opération. Un train blindé, baptisé « la Rafale », doit effectuer un trajet de 250 km à travers des zones particulièrement hostiles, afin de ravitailler les petits postes. Hormis la distance, l’autre donnée problématique, est que le train ne dépassera pas la vitesse des 15 km/h… Pendant ce temps, My Linh une jeune viêt-Minh hautement militante, reçoit pour instruction de sa hiérarchie de se renseigner sur ce train et de saboter le convoi par tous les moyens. Elle est infiltrée dans la société indochinoise en tant que prostituée et couche donc depuis plusieurs semaines, pour la cause, avec un caporal de la légion. Ce dénommé Paco s’est fortement attaché à elle, au point de la coucher sur son testament avant de partir pour la mission Rafale…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Coscénaristes de La rafale, les deux Patrick (Cothias et Ordas) empruntent de nouveau le crédo narratif historique de Laurent Galandon, autre pilier de la collection Grand Angle de Bamboo. Comme lui, ils s’intéressent à l’aspect humain des périodes graves ou troubles de notre passé (guerres, persécutions, génocides…). Annoncé en triptyque, La rafale s’intéresse à la guerre qu’a mené la France en Indochine (de 1946 à 1954). C’est intéressant car d’ordinaire, ce conflit est trop récent (et trop peu glorieux ?) pour pouvoir être publiquement décortiqué sans déchainer les passions. La démarche est d’autant plus louable, que les scénaristes avouent s’être inspirés de faits réels et d’acteurs authentiques, dont certains sont encore en vie. En marge de l’accompagnement d’un convoi ferré à travers la jungle, on suit ici en parallèle deux destins. D’une part, Daguet, civil antimilitariste notoire, est obligé par la force des choses de coopérer avec des légionnaires. D’autre part, My Linh, une jeune femme militante Viêt Minh, infiltre la société indochinoise pour parvenir à saboter le train. Doit-on la considérer comme terroriste ou résistante ? L’emploi de la force armée est-elle toujours la solution pour faire valoir une opinion ? A travers la narration subtile et documentée, on s’attache aux personnages et à leurs idéologies contradictoires, fonction d’expériences personnelles aussi diverses que terribles. Le principe de la légion, composée d’une multitude de nationalités, tout spécialement à cette époque, permet aussi d’aborder les choses sous un angle moins manichéen. Ces biais sont assurément pertinents pour souligner la complexité des rapports avec l’étranger et éveiller la conscience politique. Ce qui est tout aussi opportun, c’est le dessin semi-réaliste de Winoc, certes académique mais consciencieux et idoine pour traiter le sujet. Bref, voilà un excellent début de triptyque…