L'histoire :
C’est un speed-dating un peu particulier : une rencontre pour séniors célibataires, à laquelle il se plie volontiers, lui qui recherche désespérément l’âme-sœur depuis que sa tendre épouse l’a quitté, il y a deux ans. Après quelques rencontres, il préfère néanmoins interrompre le jeu et quitter l’assemblée. Pourtant, dehors, sur le parking, au volant de sa voiture, jumelles vissées, il attend avec impatience la sortie de celle qui portait le numéro 7, quelques minutes auparavant. Il ne tardera pas à connaitre son domicile, ses habitudes et ses failles… Pendant ce temps, Lloyd Singer, élève-agent du FBI qui vient de participer activement à l’affaire du tueur surnommé « La chanson douce », a bien d’autres chats à fouetter. Sa sœur cadette, Esther, est au plus mal : son anorexie s’est aggravée et le médecin-psychiatre qui s’occupe d’elle tente le tout pour le tout pour lui sauver la vie, en proposant aux quatre frères et sœurs une psychothérapie. Le docteur Goldblum est en effet convaincue qu’Esther est en train de mourir du rôle qu’elle joue dans leur scénario familial. Les langues ne tardent alors pas à se délier autour de l’enfance des Singer et de la place de chacun en particulier après la mort accidentelle de leurs parents.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est une psychothérapie familiale doublée des présentations d’un serial killer option 3éme âge qui ouvre ce nouveau cycle (en diptyque), moins d’un an après avoir bouclé le précédent. Psychologiquement et physiquement malmené par sa rencontre avec les Reed (voir le cycle de La chanson douce) pour sa première enquête en tant qu’agent du FBI, Lloyd Singer n’est pas ici beaucoup plus à la fête mais sur un tout autre terrain : celui de sa famille et de ses pesants secrets. Luc Brunschwig rassasie ainsi ceux qui s’impatientaient d’en connaitre un peu plus encore sur ce douloureux sujet (déjà abordé par petites touches dans les albums antérieurs) particulièrement constitutif de la psychologie de notre attachant héros. A renforts de flashbacks et avec comme point de départ l’anorexie paroxystique d’Esther, on plonge alors rapidement, sans oxygène, dans ce passé familial. Non-dits, maladresses, mauvais choix, s’entrelacent alors avec l’ambigüité du rôle de la mère et le mystère de sa personnalité. Une véritable clé de voute du problème familial qui s’assemble, pièce à pièce, en donnant à chaque fois de bons coups de poing à notre comptable devenu agent de terrain. En parallèle, un inquiétant sexagénaire vole par intermittence la vedette aux Singer pour de probables propensions à jouer les tueurs en série chevronnés… Une nouvelle fois, le travail effectué par le scénariste sur la structure du récit dynamise admirablement la trame narrative. On passe d’un fil narratif à l’autre sans jamais pantoufler ni s’emmêler les crayons. Mieux encore, lorsqu’au fil du récit, l'examen thérapeutique du passé et les activités du papy-killer semblent pouvoir se croiser. Bref, un début d’intrigue captivant et réunissant les ingrédients ayant déjà fait recette (thriller + psychologie + suspens + humanité). Démontrant, en tout cas si besoin, que ce personnage atypique était bien moins lisse qu’il n’y paraissait. Olivier Martin, qui reprend le dessin, se glisse admirablement dans l’univers graphique confié par Olivier Neuray. Il se joue, en particulier, impeccablement des contraintes du découpage et propose une très intéressante gamme de cadrages. A ne pas manquer.