L'histoire :
En juillet 1948, le communiste André Marchandise retrouve enfin son frère Charles à Buenos Aires, dans l'Argentine d'Evita Peron. Deux ans qu'il court après ce frère félon, qui avait rejoint la division Charlemagne durant la guerre et qui, comme bien d'autres criminels nazis, a débuté une seconde vie en Argentine. Deux ans qu'il a promis de le ramener en Belgique, à sa mère qui s'accroche à la vie afin de voir sa famille une dernière fois réunie. Le premier regard entre les deux frères est glacial. Charles invite néanmoins André à dîner dans un restaurant où il a ses habitudes. Entouré de ses amis, il se protège ainsi de tout esclandre. Il lui demande alors de lui expliquer comment il s'y est pris pour retrouver sa trace. André raconte ses contacts tourmentés avec les réseaux de résistance et les anciens collabos. A Bruxelles, après avoir établi un premier contact avec un collabo surnommé « le Comte », il avait été battu à mort par un commissaire de Police, qui voulait percer la nature exacte de sa démarche. Les intentions d'un type qui fricotait avec la prostituée Lulu et le Comte ne pouvaient pas être tout à fait honnêtes. Le commissaire avait décidé de l'utiliser pour remonter la filière du réseau ODESSA, qui organisait l'exfiltration des ex-nazis vers l'Amérique du sud...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La seconde partie de ce diptyque reprend après une ellipse qui semble a priori culottée. En effet, notre héros André retrouve immédiatement son frère Charles à Buenos Aires, ce qui dénoue d'emblée nombre de fils de l'intrigue : Charles Marchandise est bien vivant et le réseau ODESSA efficient. Jamais nommé dans le récit, ce réseau mi-fictif –! c'est à dire fantasmé dans sa structure romancée, mais réel dans sa pratique historique – organisait l'exfiltration des anciens nazis vers l'Argentine. Tout recommence donc par la confrontation tant attendue entre les deux frangins, un climax qu'on trouve d'ordinaire à la fin des histoires. Le scénariste Michel Dufranne a donc aussitôt recours au principe du flashback, qui permet de retracer le parcours d'André pour remonter la filière. Au cours d'un long et unique retour en arrière, André relate ainsi à Charles ses interrogatoires musclés, pratiqués aussi bien par les anciens collabos que les anciens résistants. Il est le cul entre deux chaises, au mauvais endroit, au mauvais moment, avec de mauvaises intentions. Les sanglantes étapes de sa quête se laissent tout de même suivre avec un intérêt mitigé, en raison de leur caractère récurrent : il est tabassé, récupère dans le lit de Lulu, puis re-tabassé, puis re-Lulu... Au terme de ce parcours du combattant, le fameux réseau ODESSA ne se dévoile vers la fin que sur 3 pages peu prolixes et il demeurera bien énigmatique dans ses rouages. Un aspect de l'intrigue semble aussi avoir été oublié, ce qui fait un peu tâche sur la plan narratif : les recherches d'André devaient satisfaire les dernières volontés d'une mourante qui n'en avait plus que pour quelques heures à vivre... Or deux ans séparent le début de la quête et son dénouement, sans qu'on sache jamais ce qu'il est advenu de celle qui en est à l'origine. L'intention historique est donc l'unique atout du diptyque, qui se termine pour le moins de manière inattendue. Srdjan Nikolic Peka signe quant à lui une partition graphique correcte, montrant une griffe artistique réaliste maîtrisée pour les scènes statiques besognées, beaucoup moins concernant les mouvements et l'empathie à l'endroit des protagonistes.