L'histoire :
Accompagnée du couple Nelson, Jade, l’envoûtante Djinn est devenue l’hôte choyée du merveilleux palais des Maharadjahs de la dynastie Eschnapur. La Rani Gaya Bashodra, mère de l’actuel maître des lieux, lui confie une mission on ne peut plus à sa portée : initier et éduquer sa future belle-fille aux plaisirs du sexe. L’intention est louable, mais surtout particulièrement orientée. Tamila, la future épouse, n’est autre que la fille de Radjah Sing, l’un des plus fervents opposants au régime colonialiste britannique. Tandis que le Maharadjah est, lui, l’un de leurs plus puissants alliés. Aussi la Rani – qui est acquise à la cause indépendantiste – espère que Tamila pourra faire infléchir la volonté de son mari, une fois devenue maîtresse dans l’art du sexe. Jade a un mois. Au Pavillon des Plaisirs, elle entreprend son labeur sous l’œil jaloux des autres courtisanes et du maître des lieux, le vil et intrigant Sahib Bendja. Ce dernier imagine d’ailleurs bien rapidement, sous l’impulsion d’Arbacane – l’une des favorites éconduites – se débarrasser de la belle Jade. Il va alors à la rencontre du mystérieux « Darinn des deux portes ». L’homme est un assassin redouté qui a bien envie de mettre à son tableau de chasse une Djinn pour la première fois, contre une somme rondelette. Mais ne serait-il pas plus facile de plonger une lame recourbée dans le cœur de cette jolie femme, que de planter son regard dans le sien ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Difficile, une nouvelle fois, au risque de se répéter, de ne pas parler de ce 11éme tome sans évoquer la force envoûtante du dessin d’Ana Miralles. Difficile, du reste, d’imaginer cette série sans ce remarquable écrin. Les cadrages happent sans force l’œil. La noblesse des personnages écarte toute ambiguïté. Les décors imposent leur majesté. La couleur enroule habilement les émotions pour offrir dans le moindre regard, la moindre planche, cette force érotique si habilement imposée par le récit. Car qui oserait nier qu’un des principaux intérêts de la série réside dans ce délicieux appât ? Plus particulièrement encore dans ce nouveau cycle indien. L’un des premiers prétextes utilisés pour mener le récit est en effet d’utiliser la belle Jade comme professeur es plaisirs sexuels auprès de la future épouse d’un Maharadjah. S’ensuivent les multiples intrigues de palais et leur corollaire de jalousies, de manipulations et de secrets. Sans oublier le contexte socio-politique, géographique et historique qui offre à Jean Dufaux un terrain propice à entrelacer aventure, magie et complots au rythme des enjeux colonialistes. On pourra ici une nouvelle fois louer la fluidité de l’intrique qui, si elle emprunte des chemins classiques, a le mérite de la clarté. Et puis, quand on dit classique, on ne veut pas pour autant dire fade : le cortège de protagonistes (rôles secondaires en particulier) a du relief ; l’histoire expose notre héroïne à crinière brune à un terrible assassin ; les courtisanes ont de la poigne ; les rebelles sont sur les dents et la Rani nous livre un étrange et douloureux secret. En somme, ce récit confirme son fort potentiel épique et romanesque qui, gonflé de cette incomparable érotico-sensualité, offre sans doute un des meilleurs mouvements de la série. Du reste, au regard de la conclusion de cet épisode, le meilleur semble à venir pour mettre un peu plus encore Jade en danger. Ce 11éme tome affamera peut-être encore un brin les amateurs des habituelles circonvolutions fantastico-hypnotique de Dufaux. Mais il comblera en tous cas largement ceux qui sont plutôt friands d’un bon divertissement.