L'histoire :
1898. Deux hommes sont conduits sans ménagement à travers la fournaise du désert marocain, par un soldat noir, vers le camp de détention de Biribi. Le chaouch – le capitaine – les accueille en exigeant d’eux une discipline de fer. Il leur promet également l’enfer. Cependant, l’un d’eux, un corse du nom de Ange Lucciani, montre d’emblée qu’il est une forte tête. Il est aussitôt roué de coups par les matons, attaché à une chaise et rasé de près, moustache comprise. Alignés au garde à vous, les autres détenus observent sans moufter, plutôt ravis que des nouveaux accaparent la fureur de leurs geôliers. D’ailleurs Lucciani n’en a pas fini de montrer son caractère récalcitrant. Il ne manque pas une occasion de répondre effrontément aux ordres, en se fichant de la poire du chaouch. Il morfle à chaque fois un peu plus que précédemment. La pire torture, « la crapaudine » (chevilles et poignets liés dans le dos et le corps suspendu ainsi à un arbre), survient quand il se fait tatouer une moustache, indélébile, pour compenser celle qu’on lui a rasée. Les autres détenus lui montrent logiquement un grand respect, à l’exception de Belfort, une brute épaisse. Belfort n’hésite pas à la trahir à sa première tentative d’évasion… et Lucciani de récolter une nouvelle et terrible sanction. Mais Lucciani ne désespère pas de s’évader et il monte aussitôt un nouveau plan…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Souhaitons tous en cœur la bienvenue au tome inaugural de la nouvelle collection de one-shots La grande évasion, chapeautée par David Chauvel. Pour rappel, Chauvel n’en est pas à sa première série-concept jouant sur des idées « de genre » addictives : il a déjà supervisé les 7 et Le Casse, avec à chaque fois des succès éditoriaux à la clé. A travers les 8 récits de fictions pures ou inspirés de faits réels, qui composeront d’ici 2 ans la série complète, il s’agit pour des duos complémentaires d’auteurs de mettre en images des évasions ultimes. Ceux-ci s’inscriront toujours dans des registres éclectiques, allant de l’historique à la science-fiction, en passant par la mythologie. Mais revenons à nos détenus du camp de Biribi, qui vécurent authentiquement l’un des pires enfers que l’être humain est capable de générer. La tension prend d’emblée à la gorge et ne cesse de monter crescendo, à mesure qu’on espère voir le héros réussir son évasion. Le réquisitoire mémoriel, qui accompagne également cette première intrigue très prenante, n’est guère étonnant venant de Sylvain Ricard. Le scénariste aime rien tant que les sujets de sociétés ultimes (les femmes battues, la fin de vie, les prisons…) et il les aborde toujours avec beaucoup de finesse. En outre, il poursuit dans la même veine que son adaptation de Dans la colonie pénitentiaire, chez le même éditeur. Ricard s’appuie sur les talents graphiques et réalistes d’Olivier Thomas, qui fait ici sa première contribution au catalogue Delcourt. Régulier, détaillé et inscrit dans un découpage séquentiel parfait, les planches de Thomas pèchent juste parfois à distinguer les détenus entre eux. Il faut dire que malgré leurs tatouages (une spécialité de Biribi), ils sont tous habillés pareil, crados et la boule à zéro. La série-concept démarre fort bien… On se délecte déjà des autres tentatives d’évasion !