L'histoire :
Dans le froid glacé de Port Baïkal, les malheureux prisonniers du camp de travail réalisent le rêve le plus fou du tsar Alexandre III. Ils construisent les derniers mètres du Transsibérien, la voie ferrée qui va permettre de traverser la Russie en moins de 15 jours. Un prodige que toute l'Europe de 1900 admire et salue, et qu'un journaliste anglais, le fameux Howard Steel, va vouloir suivre. Tout près des bagnards, un groupe d'ouvriers anglais menés par un architecte londonien est chargé d'assembler le bateau brise-glace qui permettra de traverser le lac Baïkal. Les autorités russes ont en effet décidé qu'il fallait atteindre le Pacifique sans attendre la longue construction d'un contournement de l'obstacle naturel. Au sein du groupe de prisonniers, l'envie de révolte gronde face à la dureté des conditions de vie, et l'afflux quasi quotidien de nouveaux arrivants qui s'entassent dans des dortoirs trop petits. Un jeune moscovite annonce dès son arrivée au vieux Stenka qu'il ne compte pas rester longtemps enfermé. L'espoir est maigre, lui dit le vieil homme désabusé, de trouver une issue alors que le camp se situe au cœur de la Sibérie. Pourtant, un nom va porter le rêve des ces hommes qui n'ont plus rien à perdre. Un homme a osé faire savoir de manière publique, sous forme d'un ultimatum lancé au gouverneur de Transbaïkalie, qu'il allait faire évader tous les prisonniers du camp, si son exil en Mongolie ne lui était pas accordé. Il se prétend déjà présent parmi les prisonniers de Port Baïkal, prêt à passer à l'action. Il se fait appeler Tilman Razine. Lorsque le train quitte Moscou avec à son bord l'empereur lui-même, le gouverneur décide de passer à l'action...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Chouette boulot que nous a concocté Kris pour ce huitième (et dernier !) opus sur le thème d'une Grande évasion, qui nous démontre que les séries à thème et les figures imposées peuvent donner lieu à des albums à la fois personnels et prenants. Avec son goût particulier pour le vécu de ses personnages, le réalisme social qu'il aime décrire, le scénariste trouve un angle original autour d'un personnage légendaire qui suscite un espoir fou dans un camp de prisonniers. Par ailleurs, construite sur des bases historiques précises, l'aventure est aussi pour le lecteur l'occasion de découvrir des étapes clés de ce que fut ce voyage inaugural au cœur d'une Russie dont le rayonnement de l'empire n'était absolument pas contesté. Les images de Guillaume Martinez et les couleurs de Delf sont à la hauteur, sérieuses et riches, travaillées et personnelles, contribuant à la réussite d'un album grand-public qui ne donne pas dans la facilité. Le suspense sur l'évasion est par ailleurs réel, très bien suggéré sans être dévoilé, avec des histoires parallèles qui progressent efficacement vers l'action attendue. Ce huitième volume confirme la qualité d'une série-concept qui n'aura pas déçu, et qui répond au goût actuel du public BD pour les one-shots bien foutus que l'on peut acheter indépendamment. Une forme d'évasion sans risque, en somme.