L'histoire :
Carl Douglas est un ancien repris de justice anglais, plus qu’obèse, surnommé le roi de l’évasion. Au terme de tumultueuses aventures carcérales, il se contente aujourd’hui d’une vie civile rangée et paisible, occupée par les promenades du chien de sa logeuse, la vieille madame Hutchinson. Le reste du temps, il boit des bières en regardant la télé. Ce jour-là, deux gros bras américains défoncent sa porte et lui imposent un billet d’avion pour New York (sinon ils tuent la vieille). Une fois là-bas, le parrain de la famille mafieuse Dimauro lui explique les raisons de son recrutement : il doit faire évader l’ancien parrain Angelo Dimauro, avant qu’il comparaisse devant un jury lors d’un grand procès. Angelo est en effet atteint de la maladie d’Alzheimer et la famille craint qu’il ne soit trop bavard… Or le seul moment où Dimauro sortira de sa cellule de haute sécurité, c’est le matin même de l’audience. Lors de son transfert, sous haute protection policière, Douglas devra intervenir. 300 000 dollars lui seront offerts s’il réussit ; or la situation précaire de Douglas ne lui permet pas de refuser. Dans sa chambre d’hôtel, il reçoit cependant aussi la visite des flics new-yorkais, qui ont parfaitement cerné ses intentions. Si le roi de l’évasion débarque à New-York à quelques jours du procès, ça n’est pas pour faire du tourisme. Pourtant, dans les jours qui suivent, Douglas s’emploie à brouiller les pistes : il va à la pêche et fait du shopping… Flics et mafieux sont interloqués. Tous ignorent son plan réel, qui a été établi lorsque le fils Dimauro lui a rendu visite, quelques semaines auparavant…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le dessinateur Denys est de toutes les séries-concepts aux côtés de David Chauvel. Après un 7 survivants, un Casse (Soulman), les voici de nouveaux associés sur un épisode de la Grande évasion. Chauvel apprécie certainement la patte graphique de Denys, qui trouve un compromis séduisant entre le « hard-boiled » et le réalisme grand-public, un registre dans lequel s’inscrivaient déjà ses Enragés, dans les années 90. Effectivement, sur ce one-shot, le trait encré appuyé et appliqué de Denys s’insère remarquablement dans le découpage varié et cinématographique concocté par Chauvel. Gaufriers de champs-contre-champs (les parloirs), emboitage astucieux de cases pour une rythmique impeccable, macros plans… Pour satisfaire au cahier des charges narratif, un mafieux atteint d’Alzheimer doit être évadé avant de trop en révéler lors de son procès. Pour mener les débats, les auteurs convoquent un personnage central poids lourd, le Fatman du titre (littéralement « homme obèse »). Son charisme tient à la fois dans ses mensurations que dans son calme et son apparente nonchalance. Vue la bedaine, on peut légitimement douter qu’il soit réellement « le roi de l’évasion »… or étant donné que Chauvel aime s’éloigner des canons narratifs, vous pouvez compter sur lui pour avoir ménagé quelques surprises. Sans trop en révéler, le scénariste entrecoupe l’intrigue principale de séquences montrant une quadragénaire au bord de la rupture (elle s’imagine faire des massacres). On se doute que cela aura de l’importance, mais il faut attendre la fin pour que les morceaux du puzzle se mettent habilement en place. Nonobstant, il y aura bien évasion(s)…