L'histoire :
En 1964, le jeune artiste peintre Tobias et son ami Mathias vivent à Berlin Ouest. Ils ont coutume de donner rendez-vous à Hanna, la sœur de Tobias, à un point de la frontière grillagée qui sépare la ville en deux d’un no-mans-land de plusieurs dizaines de mètres. A l’aide de jumelles, ils parviennent à communiquer en se faisant des signes. Hanna leur fait comprendre qu’elle s’engueule toujours avec leur père et qu’elle rêverait de pouvoir venir à l’ouest. Pour les fêtes de Noël, une permission exceptionnelle d’une journée pour rendre visite à des proches en RDA finit de convaincre Tobias : il doit faire évader sa sœur. Et Tobias qui en est un peu amoureux, va l’aider ! Pour cela, ils analysent la topographie de la ville et déterminent un site où le creusement d’un tunnel sous la frontière est possible. Le point de départ de leur entreprise est la cave d’une ancienne boulangerie. 10 mètres à la verticale, 145 mètres à l’horizontale direction sud-est et… 36 copains pour aider, qui ont eux aussi des proches à faire évader. Ils se relaient tous pour y travailler 24h/24 et pallient moult problèmes techniques : évacuer la terre via un charriot sur un rail, étayer leur souterrain de planches, éclairer et ventiler leur tunnel… Enfin, pour ne pas attirer l’attention des « vopos » d’en face lorsqu’ils ont une livraison de matériels, une copine se balade à poils devant sa fenêtre pour détourner l’attention…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’histoire de cette évasion de Berlin Est vers Berlin Ouest, à travers un tunnel de 145 mètres creusé sous la frontière, est tout à fait authentique (octobre 1964). On l’a baptisé Tunnel 57 rapport au nombre d’évadés – un record selon ce procédé. Dans ce one-shot répondant au cahier d’intention de la collection La grande évasion, le scénariste Olivier Jouvray en adapte une version assez proche de la vérité historique, bien qu’un chouya romancée. Deux protagonistes principaux mènent ici ce projet de tunnel, qui a pour vocation originelle d’exfiltrer la frangine de l’un d’eux. Ils sont rapidement aidés par 35 autres étudiants, pour lesquels le récit ne précise pas s’ils sont pourvus des mêmes mobiles ou juste idéalistes. La narration se préoccupe plus d’imbriquer les paramètres et les étapes de leur formidable organisation, qu’à nous attacher aux protagonistes via des profils psychologiques sensibles… mais dans un unique album de 54 planches, la place est comptée ! A partir de ce qui ressemble à un crayonné sur-contrasté, le dessin de Nicolas Brachet reste également très froid avec les personnages, mais impeccable au niveau de la mise en scène et des ambiances, forcément toujours tendues. Cette aventure quasi documentaire fait alors un tour exhaustif des problématiques techniques : évacuation de la terre, étayage du conduit, ventilation, éclairage, soucis d’infiltrations d’eau, manœuvres rusées de diversions… Le récit n’oublie pas non plus les considérations psychologiques et politiques : fuir pouvait aussi être considéré comme une traîtrise à la cause communiste. Sans doute pour ne pas écorner le profil héroïque des étudiants, Jouvray omet aussi de mettre en scène l’unique victime de l’entreprise : un vopo (garde-frontière est-allemand) tué dans la fusillade finale.