L'histoire :
Au cœur des années 30 en Silésie, la montée en puissance du pouvoir hitlérien se fait sentir de plus en plus concrètement. Les groupes de jeunesses nazies enrôlent des jeunes volontaires pour leur apprendre de manière dissimulée les valeurs du régime qui se construit et leur imposer une doctrine qui va bientôt tenter d'asservir l'Europe. Werner, Max et Hanna sont trois amis inséparables, jeunes adolescents passionnés d'engins volants, d'avions en bois, de fusées bricolées. Max est un juif polonais, excellent élève et jeune garçon cultivé. Il comprend, pour avoir lu Mein Kampf, que le régime hitlérien ne laissera aucune chance aux jeunes gens comme lui. Lorsqu'il constate que Werner et Hanna ont accepté de s'engager dans les jeunesses hitlériennes dans le seul but d'apprendre à piloter des planeurs, il contient sa déception. Et lorsque la persécution des juifs s'organise, avec la mise à sac des premiers magasins, sa famille décide de s'enfuir vers les Etats-Unis. Près de dix ans plus tard, au cœur du conflit armé qui embrase le monde, Max est devenu un pilote reconnu dans l'armée américaine. Au retour d'une mission périlleuse dont il est un des rares survivants, il est pourtant mis aux arrêts dès que son porte-avions fait une halte au port. Il ne comprend pas un mot aux soupçons d'espionnage qui pèsent sur lui...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le savoir-faire du scénariste Yann est digne du talent des grands cuisiniers, qui se réinventent en des déclinaisons subtiles, ou vous surprennent avec un plat carrément inédit. Avec Dent d'Ours, on est dans la première catégorie : un univers connu, que le chevronné raconteur d'histoires affectionne particulièrement, celui de la seconde guerre mondiale. La force dramatique de l'époque, le potentiel héroïque des hommes qui ont risqué leur vie, la fascination qu'exercent sur l'imaginaire les avions célèbres aux formes mille fois vues dans les séries télé, tout cela fait son effet. Le récit semble familier tout en étant surprenant, porté par le talent de deux auteurs qui mitonnent leur nouvelle recette avec un grand brio. Les avions d'Alain Henriet sont parfaits de dynamisme, sans aller jusqu'à l'hyper réalisme d'un Romain Hugault, autre partenaire de Yann sur une série d'aviation. Sa mise en page est un modèle du genre pour une lecture immersive qui oublie le papier sous les doigts. C'est en tout cas un plaisir de retrouver ce dessinateur qui s'était déjà montré convaincant sur Damoclès, sa précédente série malheureusement terminée. Il réussit par ailleurs une couverture très attirante, magnifique composition entre le jeune héros perdu dans ses rêves et le vol des Corsair au dessus de lui. Il y a certes du métier et du savoir-faire derrière cette histoire des destins contradictoires de trois amis d'enfance, et des rivalités qui vont survenir sous la pression de l'histoire avec un grand H. Mais le ton reste toujours juste, l'exécution de cet album étant un modèle à la fois classique dans son déroulé et moderne dans sa mise en scène. C'est certainement un vrai luxe de pouvoir planifier son intrigue sur plusieurs tomes, et d'avoir la confiance de son éditeur pour cela. C'est le cas pour Yann, devenu une valeur sure de la BD grand-public. Et le lecteur se régale du suspense de la toute dernière case de ce premier volume.