L'histoire :
Le 17 août 1893, une violente révolte éclate aux salines d’Aigues-Mortes. Au départ, un italien, un certain Giardino, tente un pourparler avec son patron et son contremaître, en expliquant qu’ils sont bien plus costauds et efficaces que les « ardéchois » – comme ils appellent les locaux. En vain. Etant donnée la crise, priorité est donnée aux nationaux. Or pendant ce même temps, une querelle tourne en bagarre générale sur l’un des sites d’exploitation du sel. Aux insultes succèdent les coups de pelles… Les couteaux sont sortis… La bagarre tourne en révolte violente. Les « ardéchois » en appellent à d’autres travailleurs pour massacrer les italiens. Avec la rage et la vinasse, le feu est bouté à une boulangerie. Le lendemain matin, un garde-champêtre annonce que les italiens doivent rentrer chez eux et qu’ils seront escortés par les gendarmes jusqu’à la gare. Mais sur le chemin, un guet-apens leur est tendu par des hordes de travailleurs français cachés dans la vigne, qui réclament vengeance. Les ouvriers français en appellent à la mort des italiens, qui leur volent leur travail. Les gendarmes s’interposent et doivent faire usage eux aussi de la force. Ils tirent en l’air, mais ne peuvent réfréner la vindicte populaire. Les coups de bâtons, de marteaux, les jets de pierres pleuvent… Acculés contre les murailles, les italiens parviennent à se replier vers l’intérieur de la ville. Ils tambourinent à la porte de leur patron, qui refuse d’ouvrir. Ils sont finalement rattrapés par la foule, qui les lynche. Ce jour-là, dix italiens sont morts à Aigues-Mortes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après Quequette blues (meilleur premier album à Angoulême en 1985) et Les années Spoutnik, Bella Ciao est le troisième album dans lequel Baru, de son vrai nom Hervé Baruela, relate ses origines ou sa jeunesse. Le troisième, mais chronologiquement il se place en amont des deux autres, étant donné qu’il revient sur les origines italiennes de sa famille, sur l’intégration de cette dernière en France. Le document de naturalisation de son père date de 1936 – les documents administratifs de l’époque sont même insérés tels quels dans l’album ! – soit 11 ans avant la naissance de l’auteur. Et puisqu’il s’agit de l’histoire de l’émigration italienne, Baru ouvre même son récit par le massacre d’Aigues-Mortes, un épisode peu glorieux et raciste datant de 1893. Et comme l’indique le titre, il retrace aussi l’origine de la fameuse chanson partisane et communisme Bella ciao ; tout en démystifiant sa portée authentiquement partisane. Aux origines de la résistance italienne, cette chanson en a en réalité remplacé une autre, Fischio il vento trop connotée de l’enfermement soviétique dans les années 50 pour être porteuse d’espoir. Enjouée et aujourd’hui mondialement étiquetée chanson des partisans Bella Ciao s’entonne effectivement plus facilement. « Tous mes livres posent la question du déterminisme social et mettent en scène des tentatives, souvent individuelles, d’y échapper ». L’intention est louable, le trait de Baru n’a rien perdu de sa fougue (y compris dans les couleurs souvent vives), ni de son expressivité, mais il faut reconnaître que le narratif est un peu décousu. L’Histoire est vaste et Baru tombe dans le piège de vouloir aborder trop de sujet, à trop vouloir rattacher l’intimité familiale à l’universel.