L'histoire :
La plongée dans les souvenirs commence par l'histoire du grand-père venu combattre dans les tranchées aux côtés des soldats français pendant la guerre de 14, et qui a perdu les amis qui étaient montés d'Italie avec lui, fièrement vêtus d'une chemise rouge. Autour de la table familiale il raconte aux petits-enfants comment il avait entendu parler des légionnaires garibaldiens, et sa décision de se porter volontaire pour aller en France défendre ses idées. Il y a aussi l'histoire de ce père réquisitionné pour aller travailler à la mine en urgence, le jour de la communion de son fils, et qui revient du boulot dans un costume impeccable, la fierté intacte dans une vie simple et laborieuse ! Et la dispute familiale entre frères dans la commune de Villerupt en Lorraine. Deux d'entre eux veulent aller servir Mussolini en Italie, quand le troisième brandit fièrement son certificat de naturalisation française, refuse de parler italien avec les deux autres et les traite de fascistes. Et bien sûr, parmi tous ces immigrés italiens, les inévitables beaux-parleurs qui rêvent d'un retour au pays tout en sachant qu'il n'arrivera jamais, et qui restent accrochés à leur terre d'accueil, tout en préservant jalousement leurs racines.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une recette de tiramisu absolument parfaite, c'est ce qui clôture ce deuxième volume de ces mémoires un peu protéiformes de Baru, alias Hervé Baruela. Une plongée dans des souvenirs mélangés de l'immigration italienne du siècle dernier, qu'il a vécus ou qui lui ont été racontés. Cet album est une forme de tronc commun à des décennies de travail pour cet auteur unique qui consacre sans relâche ses récits aux vies d'enfants d'immigrés dans la France contemporaine. Tous ces albums publiés depuis plus de trente ans contenaient en creux ces souvenirs d'enfance, ces moments vécus dans les rues en pente de la cité minière en Lorraine, là ou deux ou trois générations d'italiens sont venus chercher du travail. Ce que représentent les albums de Baru depuis Quequette blues en 1984 n'est rien de moins qu'une œuvre sociologique profonde et délicate, drôle et pudique. Il existe très peu de témoignages littéraires de ce type qui parlent des enfants d'immigrés de cette époque, qui sont pour la plupart devenus des français complets, plus que parfaits et ne parlant plus l'italien. Il y a la fierté des origines, la noblesse et le courage des ouvriers, les joies simples de la vie quotidienne, et un respect immense pour ceux qui ont tout quitté sans se poser de questions. C'est léger et drôle, gentiment introspectif et nostalgique, avec ce style graphique nerveux et enlevé unique à son auteur, qui ne change pas depuis des années. Un beau travail intime et universel.