L'histoire :
Dans le quartier HLM des Hauts Vents, Djin, un jeune garçon, passe son temps à jouer avec deux clowns qui ont installé leur roulotte au milieu des barres d'immeuble. L'un d'eux, Groko, est alors abattu par la mère de l'enfant, bonne du curé, qui pensait que le saltimbanque se prêtait à des jeux pédophiles avec son fils. Djin est gravement secoué par ce drame et se mure alors dans un profond mutisme. Dix ans plus tard, le même quartier est méconnaissable, tant il paraît délabré. La roulotte des clowns est pourtant toujours là. Glok, le partenaire du défunt Groko, souhaite par dessus tout poursuivre l'idée du défunt, à savoir ouvrir une école du cirque bénévole (ou presque) pour tous les jeunes de la cité. Tous les soirs, Groko réalise une prestation avec ses élèves, au cours de laquelle il interprète une chanson triste. Depuis le drame, l'église a quant à elle été totalement laissée à l'abandon. A présent, des squatteurs et autres toxicomanes se servent de ce lieu comme abris. Cependant, après dix ans sans homme de foi, l'ancien curé revient avec des valises lourdes... aux contenus étranges...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Régulièrement, les journaux télévisés nous abreuvent de débordements de casseurs dans les banlieues urbaines. La violence et l'horreur sordide sont le pain quotidien des habitants des cités. A travers Le sourire du clown et ses trois tomes réunis dans cette intégrale, Luc Brunschwig livre une histoire prenant pour cadre ces zones de non-droits, bien loin de la description-cliché qui leur est souvent réservée. Le récit débute en flashback, par un malentendu qui vire au drame sanglant. La personnalité tourmentée du jeune Djin est ainsi présentée : il se grimera dès lors en clown arborant une moue sombre au sourire inversé (d'où le titre). Débute alors un thriller aux personnages nombreux et aux rebondissements inattendus. La narration est implacable et le lecteur suit les événements en s'interrogeant perpétuellement sur la façon dont va progresser cette histoire atypique. La galerie de protagonistes étonne par sa diversité et la complexité de certains. Le sourire du clown mélange le thriller au social, les métaphores aux douleurs réelles. Brunschwig insiste là où le bât blesse. Les intentions de ce drôle de curé sont troubles au possible. L’ecclésiastique se révèle un manipulateur orgueilleux et déclenche l'embrasement de la cité. Le personnage peut certes paraître manichéen ; pourtant la critique de la religion extrême trouve aujourd'hui son écho dans certaines manifestations d'un autre âge. L'auteur fait aussi pencher son récit vers une dimension onirique, proche du conte. Du thriller social des premières pages, le récit bascule progressivement dans une direction inattendue et subtile. Ce puzzle narratif est en outre parfaitement mis en scène par Laurent Hirn. A l'époque, le dessinateur sortait tout juste du fameux Pouvoir des innocents et à l'instar des derniers opus, il montre ici des planches élégantes aux couleurs directes impeccables. La couverture de cette intégrale est une parfaite synthèse des qualités du dessinateur. Métaphore rude et touchante, Le sourire du clown est assurément une œuvre sensible et surprenante. Une belle lecture, désormais disponible dans une édition de qualité...