L'histoire :
Tout a commencé par l’attaque armée et nocturne, aussi inattendue que violente, de l’Eglise moderne dans laquelle squattaient clochards et paumés. Puis, une suite d’évènements tragiques a conduit les jeunes de la cité à transformer leur quartier des Hauts-vents en véritable camp retranché. Tout d’abord, durant une première émeute, quelqu’un a flingué le clown Clock, très apprécié dans le quartier. Puis le jeune Rachid a été retrouvé pendu à son immeuble ! Les circonstances accusent Djin, l’apprenti clown, muet et défiguré suite à un choc psychologique grave dans son enfance (sa mère a tué Groko le clown, copain de Clock). Les tensions sont d’autant plus vives que tous croient en l’innocence de Djin. Lorsque les forces de polices débarquent pour l’arrêter, à grands renforts de CRS, c’est l’explosion de violence. Le commissaire principal est gravement brûlé au visage, les CRS sont débordés et Djin s’enfuit. Désormais, en raison de la situation escarpée et des barricades sur l’unique voie d’accès, ni la police, ni un quelconque ravitaillement ne peuvent plus monter aux Hauts vents. José, le journaliste local, d’ordinaire timoré, trouve dans cette affaire une manne professionnelle : le voilà embauché par France télévision. Quelqu’un d’autre semble surtout tirer profit de la situation : le curé, qui a repris possession de l’église et y connait des affluences records…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sûr, Luc Brunschwig n’a pas son pareil pour sortir des sentiers battus narratifs. Son désir de montrer une autre banlieue que celle que nous livrent les médias est ici sans doute bienvenu… même s’il emprunte des voies parfois ambiguës. On ne sait jamais où va nous emmener le récit, ni même si la conclusion sera positive ou alarmiste. On est pourtant littéralement happés par cette intrigue urbaine, à la fois absorbés par l’orientation incalculable des évènements et impatients de trouver un sens à tout cela. Pourtant, de nombreuses zones d’ombres demeurent, qui ne demandent qu'à être mises en lumière dans le t.3 à venir : pourquoi le curé a-t-il attendu 10 ans avant de revenir mettre un tel souk ? La finalité de son entreprise en valait-elle le coût ? Quel « morale » faut-il accorder à cette histoire ? On sort donc de la lecture un peu perplexe… On n’englobe pas encore forcément l'entière lecture de ce que Luc Brunschwig a voulu nous raconter… Au thriller social se mêle également un anticléricalisme singulier, qui peut choquer. Au regard de l’humanisme intrinsèque à l’œuvre du scénariste, l’intention est plutôt celle de trouver un contrepied à l’origine de l’extrémisme, que nous autres occidentaux situons commodément dans l’Islam (certes, et pour cause). Cette peinture d’une frange de la société est donc insolite (les acrobaties de Djin) et subtile (la métaphore du clown triste), mais assurément touchante. Il faut dire que Laurent Hirn redouble une nouvelle fois de savoir-faire artistique pour mettre le tout en relief. Malgré la rudesse du propos, les acteurs sont expressifs et vivants, les planches élégantes, « pastelisées » en couleurs directes. Une histoire pas comme les autres, qui ravira les explorateurs de nouveautés…