L'histoire :
En juin 1950, deux hommes font connaissance dans le compartiment d'un train reliant Quimper à Paris. L'un d'eux est un vieux marin qui monte au Ministère de la Pêche pour y déposer un certain nombre de revendications de son syndicat. L'autre, aux allures de bureaucrate, semble intéressé, au point de lui demander de raconter son expérience de vie en tant que pêcheur de sardines. Le voyage promet en effet d'être long, autant meubler ! Jos Gloaguen débute donc son récit en 1901, alors qu'il était enfant dans un petit port de pêche dont l'économie était entièrement dépendante de la conserverie de sardines. Ses parents vivaient alors chichement et chrétiennement, avec un grand respect du labeur. Son père Pierre, fin marin pêcheur, s'y connaissait pour remplir la coque « L'ami-du-travail » – c'est ainsi qu'était baptisée leur chaloupe. Il embarquait alors avant l'aube, afin de passer sur les bancs de poissons avant ses concurrents et éviter que les autres équipages se mettent dans leur sillon. Puis, en observant le comportement des mouettes, il lançait au bon endroit ses « filets de quarante » (qui retiennent les sardines d'une certaine taille, de sorte d'en avoir 40 au kilo)...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ça alors : vous vous demandiez justement à quoi pouvait ressembler la vie des marins-pêcheurs de sardines dans les petits ports bretons au début du XXème siècle ! Trêve de moquerie imbécile : malgré l'austérité apparente de son sujet, ce récit historique se révèle agréable car rythmé, bien dialogué et documentaire. François Debois, qui s'est fait une spécialité des scénarios bretonnisants, celtiques et/ou légendaires, adapte en fait de manière fort aboutie le roman L'épopée de la sardine, un siècle d'histoires de pêches de Jean-Claude Boulard (également actuel maire radical socialiste du Mans). Au cours d'un long flashback, le héros, un vieux loup de pêche, y narre une école de la rigueur à travers ses souvenirs d'enfance et l'apprentissage de son métier, unique et imposé, aussi pénible qu'honorable. En effet, en ce lieu et dans ce contexte particuliers, on nait pêcheur et chrétien, avec aucun autre horizon que l'océan et aucun autre fumet que celui du varech. Tragédies, amours, rivalités familiales, tumultes sociaux et caprices de la poiscaille... Le souffle épique de la saga industrielle et familiale, façon Maîtres de l'orge, n'est guère loin. Néanmoins, un seul premier tome ne permet pas encore de l'assurer totalement. En tous cas, le dessin réaliste de Serge Fino se montre lui aussi sérieux et soigné, parfaitement sur les rails (d'Ouessant) de la série au long cours...