L'histoire :
Quand il était enfant, Florian Brunet avait été fortement perturbé par la mort de sa mère. Il lui parlait en rêve, son comportement scolaire était loin d’être exemplaire et son père maraîcher n’y pouvait pas changer grand-chose. Désormais adulte, Florian est un respectable avocat qui plaide au barreau de Lyon. Il est cependant déjà blasé par son quotidien, irrémédiablement ponctué par des règlements de divorces. Pour pimenter sa vie, il y a certes les préparatifs de son mariage avec la belle Anne... C’est alors qu’il reçoit un coup de téléphone de son père, qui vient de faire son dernier discours en tant que président de sa coopérative agricole. Le vieux Joseph demande à son fils de l’accompagner au Paraguay pour lui servir de traducteur espagnol lors du voyage de son conseil d’administration. Joseph Brunet y voit une dernière occasion de voyager avec son fils. Florian commence évidemment par refuser… mais une énième vision de sa mère en rêve le décide à accepter. Dès le voyage, quelques petites tensions se nouent toutefois en raison du peu de scrupule avec les frais du père, véritable pacha de l’agriculture. Sur place, le groupe de français profite d’une visite, par un cadre de chez Misaint, d’un champ qui a bénéficié des semences Misaint, génétiquement conçues pour ne pas avoir besoin de pesticide Roundown. Un cultivateur bio ouvre alors les yeux de Florian sur les méthodes perverses de cette industrie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la manière des Maîtres de l’orge (pour la bière), de Fior de Luna (pour les cigares) ou de Châteaux Bordeaux (pour le vin), Les seigneurs de la terre est une saga familiale placée sous le signe de l’agriculture. C’est aussi la première BD scénarisée par Fabien Rodhain, militant pour une agriculture responsable. Le vénérable agro-écologiste Pierre Rabbhi lui fait d’ailleurs l’honneur de la préface. L’objectif de Rodhain est officiellement de souligner auprès d’un « nouveau public » les aberrations de l’agriculture productiviste, façon Monsanto® (renommé Misaint pour la fiction) et des modes alimentaires occidentales. Pour rappel : d’un côté les pesticides font des dizaines de milliers de victimes chaque année ; de l’autre l’utilisation d’OGM revient à jouer aux apprentis sorciers avec l’équilibre naturel de la planète. C’est ce que notre jeune héros va découvrir, bizarrement en ingénu, car il est pourtant fils d’agriculteur et issu d’études universitaires poussées. Dans ce tome 1, Florian découvre notamment que pour pouvoir produire la viande que nous consommons (en trop grande quantité pour notre santé), on multiplie les monocultures de soja dans les pays en voie de développement, ce qui a des conséquences dramatiques sur les populations locales (maladies graves, asservissement économique et territorial par les grandes firmes…). Scandalisé, il va subitement changer de plan de carrière : d’avocat, il va devenir paysan, et tant pis pour les conséquences. Bref, la psychologie du personnage est un peu téléphonée, le scénario enfonce des portes ouvertes, mais l’intention pédagogique est louable. L’intrigue prend dès lors l’allure d’une confrontation familiale multi-front : conflit de génération d’un côté, piège marital de l’autre… en route vers un second tome qu’on devine déjà plus que houleux. Le dessin est quant à lui assuré avec beaucoup de savoir-faire par Luca Malisan, artisan italien au trait réaliste académique soigné.