L'histoire :
« L'ouvrier loue ses services à la Nouvelle-Calédonie pour une durée de cinq ans, à compter du jour où il commencera à travailler sur les exploitations agricoles, minières et industrielles de la Nouvelle-Calédonie pour lesquelles il est spécialement engagé. Il ne pourra être employé que sur les exploitations françaises » - Art. 1er du Livret du Travail établi par l'Office général de main-d’œuvre indochinoise, boulevard Gia-Long, à Hanoï.
« Les Indochinois sont en majeure partie de faible constitution et d'un rendement passable pour les employeurs. Ils sont d'un caractère intriguant, vindicatif, peu expansif : la majorité d'entre eux sont menteurs, joueurs et buveurs, quelques-uns voleurs et batailleurs, mais craignent néanmoins l'autorité et se soumettent assez docilement à nos lois et coutumes. Les femmes sont de mœurs légères, mais ne se livrent qu'à leur compatriotes, ce qui provoque très souvent entre-eux des bagarres où il est difficile de discerner la vérité, vu leurs instincts hypocrites » - Rapport du commissaire de police de Nouméa au gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, 6 juin 1933.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean Vanmai, écrivain calédonien d'origine vietnamienne, a invité Tess Do, professeur à l'Université de Melbourne, et Clément Baloup, à venir sur ses terres. Les accueillir sur « le caillou » était l'occasion de leur raconter son histoire familiale, mais également celle de milliers de vietnamiens qui vinrent travailler – et malheureusement pour beaucoup y perdre la vie – dans les mines de Nickel de l'île, une ressource qui constitue près d'un tiers des réserves mondiales du précieux minerai. C'est de cette rencontre tripartite qu'est né ce livre, qui retrace donc les faits historiques, sociologiques mais aussi les mœurs de la population mixte et métisse de Nouvelle-Calédonie. Ce voyage en plein Pacifique s'inscrit donc aussi dans le temps, de 1891 jusqu'à nos jours, et il rend hommage et justice à ceux dont les ancêtres ont été traités comme des animaux. Des bêtes de travail, ramenées à un matricule qu'on leur attribuait à leur arrivée, pour qu'ils garnissent les rangs des « ouvriers ». On découvre ainsi leurs conditions de vie indignes, les maltraitances quotidiennes qu'ils pouvaient subir, bien sûr l'ignoble racisme dont ils ont fait l'objet, ainsi que leurs insurrections et une condition qui évolua avec le temps, générations après générations, pour finir par devenir une partie intégrante de la population de l'île. On ne va vous dérouler plus que cela le fil de cette belle BD. On se contentera juste d'en souligner l'enrichissement qu'on en tire à sa lecture et de saluer le travail beau et sobre de Clément Baloup, qui dessine sans esbroufe. Et comme toujours avec La Boîte à Bulles, on s'instruit et on dispose d'un nouveau livre qui donne à réfléchir.