L'histoire :
Little Saïgon est le nom du quartier des Viet Kieu à Los Angeles, une communauté immigrée vietnamienne qui a fui ou quitté le pays d’origine pour diverses raisons : guerre, violences subies, régime autoritaire, pauvreté… Peu intégrées au pays d’accueil, reproduisant une ville fantasmée en un syncrétisme des cultures presque folklorique, ces communautés vivent en autarcie et recréent les codes d’une nation projetée hors du territoire d’origine. Plusieurs personnes témoignent ainsi de leur ressenti et perception de la diaspora : une jeune vietnamienne, par exemple, explique en quoi sa « beauté » fut un fardeau lourd à porter. Alors que les communistes viennent de remporter la guerre civile après avoir pris la ville de Saïgon en 1975, la vie est devenue très difficile là-bas. Une partie de sa famille a préféré s’enfuir aux Etats-Unis pour y vivre. Quant à elle, elle aussi a finalement pris la décision de fuir clandestinement. Elle se retrouve alors en Malaisie, dans un camp de boat-people. Sans le savoir, la jeune femme est tombée dans un traquenard où elle devient l’objet de regards concupiscents…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A l’image du premier opus, Clément Baloup s’intéresse cette fois à la diaspora vietnamienne aux Etats-Unis. A la lumière de l’Histoire, il retrace quelques destins pour tenter d’y comprendre les raisons de l’exil. Encore une fois, l’important pour l’auteur est de mettre en lumière l’instant de la cassure avec le pays d’origine, vraisemblablement constitutive de l’identité de chacun et d’interroger le pourquoi des migrations. Et comprendre ensuite comment se déclinent ces représentations dans le pays d’accueil (gangs, shopping mall, nourriture…). Ainsi nous est-il présenté, à travers souvenirs et témoignages d'exilés, la projection fantasmée ou réelle d’un Vietnam digéré par le capitalisme américain, la lente construction du sentiment identitaire balançant entre rejet d’une histoire violente nourrie de communisme et acceptation plus ou moins molle des valeurs occidentales, les Etats-Unis comme terreau à la fois bienveillant et conflictuel de la diaspora. L’auteur décrit ainsi des vies marquées par la violence et la tragédie. Problème : cela ne suffit pas à susciter l’empathie. Peu convaincant, en effet, lorsque Baloup décrit platement ce qu’il voit ou mange (récit carte-postale) ou lorsqu’il verse dans la sensiblerie à force d’insister sur les violences infligées aux uns et aux autres. Pas tant dans le ton d’ailleurs, plutôt retenu et pudique, que dans la répétition de destins ou séquences tragiques. Factuel, larmoyant et agaçant dans ces moments-là, le récit devient en revanche plus intéressant lorsqu’il rattache ces trajectoires sinueuses aux faits historiques, éclaire d’un jour nouveau les motivations et met en lumière le destin collectif d’un pays anciennement colonisé. Graphiquement, l’auteur s’en sort correctement en modifiant la mise en couleur au gré des changements d’époque, rendant son histoire très lisible. Intéressant globalement, mais pas vraiment touchant, finalement. A rapprocher du récent Vietnamerica de GB Tran.