L'histoire :
De la guerre du Vietnam, on garde tous quelques images fortes. Films, reportages, photos, nous en ont imprégnés. Il y a par exemple ce cliché qui remporta, en 1972, le prix Pulitzer. Une photographie montrant une petite fille pleurant et courant nue pour échapper au napalm qui brûle son village… Il y a les images, l’embourbement américain… Mais c’est oublier qu’il y a aussi des millions de vietnamiens qui, en quête d’un avenir meilleur, entreprirent de quitter leur pays. On revoit alors les embarcations de fortunes remplies jusqu’à la gueule, les barbelés des camps dans lesquels on les entasse quand ils touchent enfin la terre promise… Arrivés principalement aux USA, en France ou au Canada, on les appelle les Viet Kieu. Quatre d’entre eux racontent comment ils quittèrent Saigon…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans Un automne à Hanoï, Clément Baloup contait, via un joli et subtil carnet de voyage, sa découverte du Vietnam dont son père est originaire. Ici, dans cette réédition augmentée d'un cinquième récit sur les camps d'accueil des familles indochinoises, il creuse encore un peu plus, grattouillant Histoire et passé, à la recherche de ses racines dans ce Vietnam auquel il est intimement lié. L’examen prend la forme de 5 témoignages (4 déjà publiés dans l’édition de 2010 + un inédit), ceux de 4 Viet Kieu, c'est-à-dire des exilés contraints de quitter leur pays, installés en France depuis des années. Père et connaissances, plus ou moins directes, lui racontent, alors. Quelques bribes de ce que fut leur première vie, avant que l’Histoire ne la brise. L’inexorable obligation de quitter la terre natale. Enfin quelques souvenirs du voyage et l’arrivée sur le sol français. De la seconde vie, on n’apprendra presque rien. L’important pour Clément Baloup est de mettre en lumière l’instant de cette cassure si vraisemblablement constitutive de l’identité de chacun. Succincte, mais savamment dosée, chaque histoire touche et gifle incontestablement. La force du coup porté est d’ailleurs proportionnelle à la manière pudique et retenue (très asiatique finalement) de nous « offrir » ce déchirement. Pas d’invitation à compatir, aucune haine mais des descriptions, des faits permettant peu à peu de mettre en résonnance l’Histoire et l’individu. Graphiquement, Clément Baloup emprunte la même manière de faire. En alternant noir et blanc à demi bleuté (pour les flashbacks) et couleurs directes, il nimbe l’ensemble d’une extrême douceur, contrastant, là aussi, avec la violence du propos. De même, il donne beaucoup d’émotion en cadrant judicieusement. Un album à des lieues de nombreux clichés : digne et touchant.