L'histoire :
Jean Baptiste s'enfuit de chez ses parents qui viennent de découvrir sur son écran de PC un slogan « Ni Dieu ni Maître ». Le jeune ado échoue sur une île perdue où trône un immense édifice en forme de A, et tombe nez à nez avec un vieil homme habillé comme Robinson Crusoe, qui s'empresse de l'aborder. Ça fait tellement longtemps qu'il n'a plus eu quelqu'un à qui parler. L'homme est un vieil anarchiste lui-même, qui va raconter avec force détails ce qu'est l'anarchisme, qui sont ses penseurs, et comment ils ont profondément influencé la société dont ils veulent changer la structure même. Aux côtés de Proudhon, il y eut Stirner, Feuerbach, et les premiers écrits violemment opposés à l'aliénation par la religion, tandis que les courants débattent sur la nécessité d'une forme d'individualisme comme fondement de la société. Ils traversent le temps et les continents pour aller voir les grands moments de l'histoire qui ont vu les idées d'une société révolutionnaire affronter le système, dans la rue. De Paris au Mexique, de Barcelone à la Russie. Le vieil homme s'emporte d'enthousiasme, sous les yeux écarquillés du gamin qui n'avait rien demandé...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Lorsqu'il travaille avec Daniel Casanave pour des albums conçus avec Hubert Reeves, David Vandermeulen réussit à nous passionner pour des sujets de vulgarisation scientifique, comme dans La Biodiversité ou L'Océan. Le duo à qui il a confié le sujet de l'anarchie, Véronique Bergen et Winshluss, est également une réussite. Le dessinateur très alternatif du génial Pinocchio s'amuse à mettre en scène un ado un peu trash aux côtés d'un vieil anar nostalgique, ce qui donne de petites transitions très drôles entre de long moments d'explication. La scénariste explique avec une vraie fluidité les penseurs de l'anarchisme, et la difficulté de ce courant de pensée révolutionnaire face aux autres forces politiques qui veulent également renverser le système. La mise en perspective des mouvements d'occupation zadistes, voire des black blocs au sein des manifs de gilets jaunes est intéressante, et permet une prise de recul pas toujours évidente. Tout comme la description des différentes formes d'anarchisme aux côtés des mouvements syndicaux. La mise en contexte est intelligente et évite souvent les parti-pris. Elle donne par exemple très envie d'aller se replonger dans l'histoire de la Commune de Paris. Et il y a le plaisir de retrouver Winshluss, dans un registre certes un peu plus conventionnel que dans ses albums personnels, mais toujours décalé, provocateur et drôle.