L'histoire :
Très populaire dans les années cinquante, le roman photo a pris naissance en Italie, prolongeant d'une certaine manière le succès colossal du cinéma. On dit que de grands cinéastes en ont réalisé au début de leurs carrière. On sait que des actrices devenues très célèbres y ont fait leurs débuts. Avant lui, le roman dessiné s'inspirait des films qui faisaient l'actualité, reproduisant des scènes de tournages pour construire des récits qui recréaient l'aventure. Mais le succès retentissant est venu lorsque des histoires originales, le plus souvent à l'eau de rose, ont envahi les kiosques à journaux. Productions à grand tirage, réalisées par des auteurs le plus souvent cachés derrière l'anonymat, les romans photo ont immédiatement trouvé leur public. Des succès immenses ont marqué l'époque, comme Yvelise devant l'amour, mettant en scène une très belle femme et son très bel amoureux dans des planches en six cases aux couleurs surannées. Quelques décennies plus tard, que reste-t-il de cette littérature populaire, parfois détournée par des auteurs résolument modernes ? Elle n'a pas totalement disparu, désormais fondue dans des médias finalement voisins : la bande dessinée ou des blogs culturels résolument branchés.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Utiliser les codes du roman photo pour tourner en dérision les romans photos, y compris ceux qui se moquaient... du roman photo. Voilà l'exercice de style auquel se livrent Jan Baetens et Clémentine Melois, sur un fond érudit qui va chercher très loin les origines du genre. Les volumes de la Petite Bédéthèque qui prennent un vrai recul sur leur sujet sont plutôt rares ; la démarche des deux auteurs est en ce sens très originale au sein de cette collection académique parfois ennuyeuse. Il y a un vrai parti-pris graphique qui saute aux yeux, les pages de l'illustratrice étant majoritairement des collages virtuels qui superposent les genres, mélangeant textes, illustrations et photos détournées. Passé l'effet de surprise, et comme promis sur une couverture très décalée, on plonge dans une série de clichés du genre, très sérieusement replacés dans leur contexte par un propos précis. On apprend beaucoup de choses, et surtout à quel point le genre est allé bien au-delà du public limité auxquelles on a pu le croire confiné depuis toujours. Le format du livre est parfaitement adapté au propos, mêlant avec pertinence un message visuel et un propos éducatif. Cela dit il faut probablement faire partie de la génération Goldorak pour comprendre réellement de quoi on parle. Les allusions à l'époque Fluide Glacial, et la référence au magazine Nous Deux étant quand même assez axées sur les années 70-80. Au final, ce volume surprend et sort clairement de la monotonie, pour un public plutôt ado-adultes.