L'histoire :
Ce numéro propose de retrouver (ou de découvrir) le Polonius de Tardi et Picaret, revisitation en noir et blanc du Satyricon de Fellini ; Caron enchaîne avec Phantasme et Phasm, délire insecticide en couleur et sur quatre pages. L'univers est bien petit : potache en couleur directe de Moebius nous en met plein les mirettes, puis Claude Ecken, sur 11 pages, raconte l'installation de Philippe Manoeuvre au sein de la rédaction du journal, et l'expansion éditoriale de celui-ci. S'enchaînent un épisode des Fariboles siderales d’Alias (Claude Lacroix), La légende de Blue Arrow, récit illustré en 24 pages de Rodolphe et Eberoni, racontant les exploits fantastiques d'un fantomatique coureur automobile dans les années trente à 50. Six pages évoquent sous la plume de Nicolas Labarre la version américaine Heavy Metal du journal. Puis on se régale des planches de Nicolet, Cornillon, Caza, avant un long entretien du « plus pur produit de la culture métallique » : Serge Clerc, sur 26 pages, suivi de son Nid d'espion à Alpha plage. Trambert, Jano, Kent, Mandryka, Gillon, Beb Deum, Druillet avec l’introduction de son Gail, Montellier, Schuiten suivent, puis les « twisteurs » Jano, Margerin, Dodo et Ben Radis s'associent au sein du récit Scalpel Rock, dans le même esprit collectif de Paradis 9, sacré cadavre exquis SF rassemblant pléthore d'auteurs maison. Sans oublier un long entretien de Jerry Frissen avec Charles Buxin et Pascal Guichard, maquettistes du journal.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La superbe couverture dorée signée Moebius, représentant le Major fatal et une amie dans un taxi futuriste en forme d'insecte, rappelle à elle seule combien cet homme, cet artiste, était cool, doué, et nous manque. L'ensemble des planches sélectionnées représente autant d'occasions de découvrir ou se replonger dans l'effusion de couleurs et de récits étranges, déphasés, ou sulfureux, que l'époque de leur création permettait. Chacun est accompagné d'une page introductive bienvenue permettant de resituer le récit dans son contexte, quelques anecdotes croustillantes étant ajoutées à l’occasion. Métal hurlant numéro paire, donc vintage, aère ses archives, dépoussière ses trésors des années 70 et 80. Dans ce volume ressortiront particulièrement La légende de Blue Arrow, Rock Scalpel et Paradis 9, pour leur aspect précurseur, étrange ou exceptionnel, ou bien encore les histoires en noir et blanc de Kebla, le rat rockeur de Trambert et Jano, véritable « mise en lumière » de la faune de banlieue de la fin des années 70. On appréciera plus encore les contenus éditoriaux, riches de témoignages inédits, véritable plus de ces publications anthologiques. A part peut-être celui consacré au dessinateur espion qui, bien que proposant quelques dessins inédits, n'apportera pas de révélation essentielle. On s'interrogera par contre sur le choix de n'avoir proposé (que) 20 pages du Polonius de Tardi, l'album en comportant 42. Tout au moins cela donnera une idée de cette histoire antique décadente du jeune Picaret aux plus jeunes lecteurs. Pour le coup, tout est question ici de proposition, de redécouverte, de compilation et de remise en contexte ; la diversité et la richesse artistique de cet agglomérat provoquant une certaine fascination. La même qu'il y a quarante ans, on peut l'espérer, pour les nouveaux lecteurs. Comme quoi, le métal, ça doit conserver.