L'histoire :
Un jour de Printemps, troisième année du règne du grand roi Nébunedzar. Anatu, fille d’Hamor, chef respecté d’un petit clan de bergers nomades, va se marier avec Anzu, l’ainé d’une famille alliée. Pour bénir cette union, Hamor sacrifie le bélier. Ce rituel permet d’accorder fertilité et prospérité aux noces. Ensuite, vient le rite de la purification. Alors que Hamor dit adieu à sa fille, un guerrier à dos de dromadaire vient interrompre la cérémonie. Vingu vient chercher Hamor pour l’emmener voir le roi Nébunedzar. Sur le trajet, Hamor lui parle de la mère d’Anatu, morte en donnant naissance à son unique fille. Il lui explique qu’il n’a pas refait sa vie avec une autre et sa foi en Yahvé. Vingu reste insensible à ces propos. Il le prévient de ne pas provoquer le roi qui a bâti son empire dans le fer et le sang : « Si tu le défies, il t’arrache le cœur, si tu le flattes, il châtre tous les mâles de ta famille ». Après leur voyage, ils arrivent enfin à Babylone, la porte des Dieux. Une ville où Nébunedzar règne en maître. Tous les chefs de clans et de tribus lui ont juré allégeance. En guise d’hommage, ils se sont jadis prosternés devant sa statue. Ceux qui ne l’ont pas fait, l'ont payé de leur vie…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Les assassinats ont marqué le cours de l’Histoire de la civilisation humaine. C’est en partant de ce postulat que la collection « J’ai Tué » a été créée (5 tomes au programme). Trois albums sortent d’un coup, comme pour mieux s’ancrer au milieu des séries-concepts qui sont lancées à tire-larigot. Michael Le Galli, qui dirige l'aventure, a posé comme principe que chaque auteur explore pourquoi et comment chaque meurtrier a franchi la ligne rouge sang, celle du passage à l’acte. Qu’est-ce qui peut pousser un homme à tuer un de ses semblables ? La vengeance ? La jalousie ? La cupidité ? Pour mener à bien cette entreprise, il s'est entouré d’auteurs dont il admire le talent. La victime de cet album est donc le mythique Abel biblique, « fratricidé » par Caïn. Le premier assassiné de l’Histoire, en quelque sorte, soit un passage obligé au regard du concept. Au scénario, Serge Le tendre a donc l’honneur d’inaugurer la collection. Or plutôt que de raconter le mythe stricto-sensu, le scénariste de la Quête de l’Oiseau du Temps choisit de livrer une interprétation personnelle. Cela lui permet de donner au récit densité et cruauté, loin de toutes obligations de respecter la « véracité historique ». Il s’attache à développer la relation particulière entre deux hommes, que tout oppose : l’un pieux, l’autre dénué de toute compassion. Il signe là un subtil décryptage de l’âme humaine et de ses contradictions. Vous ne sortirez pas indemne de cette histoire savamment orchestrée. L’alchimie créative marche parfaitement avec Guillaume Sorel, l’homme idoine pour illustrer cette fable cruelle. Il s’éclate véritablement dans cette époque babylonienne et donne un souffle épique au tout. Son talent prend toute sa mesure, comme lors de ses dernières sorties dessinées. Il dépasse le cadre de la simple case pour nous offrir de véritables tableaux (la bataille de Jérusalem) sublimés par des couleurs chaudes et somptueuses. Une fois la lecture terminée, vous ne pourrez vous empêcher de reconnaître : Dieu, quelle bande dessinée !