L'histoire :
En 1991, en Union Soviétique, le régime communiste tombe et le pouvoir passe dans les mains du maréchal Vashkov, fondateur du parti Volgan, un parti d'inspiration nationale-socialiste. En 2004, le Royaume-Uni ainsi que l'ensemble de l'Europe occidentale sont occupés par les Volgans. Le récit débute alors que Bill Savage, une figure proéminente de la résistance britannique, commet un attentat suicide contre un poste Volgan. Pendant ce temps, à Londres, Jack Savage, le frère de Bill, s'entretient avec son beau-frère, Noddy, et évoque la mémoire de Bill. On se rend alors compte que Jack est en fait Bill qui s'est arrangé pour se faire passer pour mort et adopter les traits et l'identité de son frère disparu. Une course s'engage alors entre Bill – qui tient à s'assurer que son plan a fonctionné – et un certain Chantry, agent de la Contre-subversion de la Sécurité Spéciale, qui se doute que le soi-disant suicide de Bill n'était qu'un leurre. Complots, attentats et faux-semblants seront de mise dans le travail de sape qui attend Bill pour, un jour peut-être, se débarrasser de l'envahisseur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Nous sommes en 1977 (une année bénie des dieux, croyez-en l'auteur de ces lignes) quand Pat Mills, conçoit et lance au sein de la désormais mythique revue de science-fiction britannique 2000AD une série intitulée Invasion! Cette série met en scène un groupe de résistants britanniques, dont un certain Bill Savage, opposés à des envahisseurs russo-soviétiques venus de l'est (oui, oui, on sait), les Volgans, qui prennent possession du royaume en 1999. Cette série paraîtra dans les 51 premiers numéros de la revues sans réelle conclusion. Il faudra plus de 20 ans pour qu'en 2004, Patoche relance la machine de guérilla avec ce Savage racontant les aventures de Bill, héros et leader de la résistance face aux Volgans. Cette fois, Patou s'arroge les services d'un dessinateur lui aussi talentueux et lui aussi issu de l'écurie 2000AD : Charlie Adlard. Les aventures de Bill Savage seront alors déclinées à travers 8 arcs/volumes, de 2004 à 2013 avant de débarquer dans nos contrées (merci Delcourt !). Alors, quid de ce comics. La première chose que l'on remarque, bien entendu, c'est le visuel. Si le trait d'Adlard a évolué depuis, il reste instantanément identifiable et les lecteurs les plus attentifs n'auront aucune peine, même, à identifier des similarités entre certains personnages de Savage et d'autres apparus depuis dans The Walking Dead (semble être le frère caché de Negan). Plus particulière, la narration dense et déconstruite de Pat Mills vient cependant compliquer les choses. Si l'on peut reprocher alors à Adlard de dessiner des personnages se ressemblant parfois un peu trop, les nombreuses insertions de flash-backs ainsi que les transitions brutales que l'auteur impose au récit peuvent souvent entraîner la confusion et, par exemple, il n'est pas rare de revenir de quelques pages en arrière pour tenter de resituer le passage ou même – c'est toujours un comble – les enjeux. En revanche, la narration brute, les personnages burinés et la malsaine ambiance d'occupation avec son lot de protestataires zélés et de collabos complaisants... Tout cela se retrouve ici et Mills, en vieux bourlingueur d'un comics britannique depuis longtemps plus adulte que son cousin yankee, livre un récit de guérilla âpre et au goût de soufre. On se surprend alors à apprécier les petites touches plus ou moins improbables tels que ces messages passés en morse par le biais du linge mis à sécher sur un fil ou encore sur les sinistres gadgets employés par l'occupant. On reste dans un comics de science-fiction avec un héros « méga-burné » et des scènes d'action dégueulantes de testostérone, faisant de Savage le parfait petit frère de ces comics un peu craspec qu'on lisait en cachette, au supermarché ou dans le grenier. Un comics de bonne facture, donc, mais dont l'esprit exagérément viril et chauvin, couplé à une narration chargée et déstructurée, risque de rebuter plus d'un lecteur.