L'histoire :
Cette intégrale comporte vingt neuf histoires dont :
- Le loup-garou : Demmon est un grand chasseur de la Vallée d’ Afrique. Pourtant, il a un nouveau défi à réaliser qui dépasse tous les dangers qu’il a vécus précédemment… Beaucoup d’indigènes sont terrorisés par une légende… celle du Gonteekwa, créature surnaturelle et immortelle. Demmon est curieux de rencontrer ce nouveau gibier…
- Une histoire à succès : Baldo n’est qu’un petit dessinateur de comics sans talent et sans épaisseur. Il sert
juste de nègre à sa maison d’édition et doit se contenter de tracer les bords de cases des planches des autres exécutants. Pourtant, Baldo connaît un succès retentissant alors que les dessinateurs, encreurs et scénaristes qui travaillaient avec lui ont tous disparus… Quel est le terrible secret que cache Baldo?
- Le cœur révélateur : Robert, ancien domestique, est interné dans un asile psychiatrique. Il se défend pourtant de souffrir de toute folie en expliquant méthodiquement comment il a pu tuer son maître de sang froid. Il raconte ainsi comment il a étouffé le vieux propriétaire de la bâtisse avec un oreiller. Il ne pouvait supporter son œil d’aigle et le battement assourdissant de son cœur. Une fois son office fait, le bourreau arrache le cœur du
malheureux vieillard et le dissimule dans les planches du salon. Pourtant, le cœur mort ne va pas s’arrêter de battre et va révéler la culpabilité de Robert…
- Le repaire des monstres : Le docteur Habeas est un collectionneur particulier : il a réussi à emprisonner les monstres les plus dangereux : goules, vampires, momies, loups garous. Il tente ainsi des expériences interdites pour tenter de trouver le secret de l’immortalité. Le village commence à soupçonner quelque chose…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après la déferlante d’EC Comics dans les années cinquante et son fameux Contes de la Crypte, l’éditeur James Warren réinjecte du « sang » neuf dans le monde de l’horreur en publiant coup sur coup les magazines Eerie et Creepy dans les années soixante. Reprenant les mêmes ficelles qui avaient fait les beaux jours des magazines pour adultes, Warren récupère la même équipe bouillonnante de talent : Archie Goodwin au scénario et une flopée de dessinateurs dont l’exceptionnel Frank Frazetta ou encore Reed Crandall, Al Williamson, Angelo Torres… Cette vague subversive va passionner un lectorat adulte en donnant un ton unique à la bande dessinée. Beaucoup d’adjectifs résumeraient le ton de Creepy : sombre, terrifiant, glauque, malsain, sanguinolent, horrible, machiavélique, dérangeant… Chaque histoire est présentée par une espèce de gnome effrayant : l’oncle Creepy (sorte de double horrifique de notre Oncle Paul national) qui se plaît à jouer avec nos nerfs et qui conclue souvent ces histoires courtes d’un humour noir et cinglant. Le mauvais goût et le baroque sont légions et particulièrement assumés dans ces histoires macabres. On retrouve ainsi tout un bestiaire monstrueux et affreux qui vont donneront des frissons : vampires, loups garous, goules, zombies, morts vivants, êtres tentaculaires... Certains monstres vont se mélanger ou même s’affronter dans d’immondes « crossovers ». Jouant souvent sur les codes et les stéréotypes, beaucoup de personnages ne sont pas ce qu’il semble être et il n’est pas rare qu’une belle jeune femme cache une monstruosité infâme. Toute la morale est inversée, un peu comme si les auteurs se plaisaient à se venger contre la censure très forte à l’époque : les fins sont ainsi systématiquement d’affreuses queues de poisson où tout finit mal et où l’on piège le lecteur et le héros. Si le processus narratif surprend par son audace, il est malheureusement répétitif à la longue et les chutes de mauvais goût sont souvent trop prévisibles. L’effet de surprise ne dure donc qu’un temps même si certaines histoires sont bien plus puissantes que d’autres (ne manquez pas ce terrible récit d’un mari trompé et assassiné par sa femme qui revient d’entre les morts pour se venger !). Archie Goodwin joue également avec les genres populaires de l’époque et se plaît à assassiner sans vergogne le western, le cape et d’épées ou les récits d’amour. L’oncle Creepy ne vous laisse aucun répit et les histoires sont autant de surenchères de violence, de sang et de final apocalyptique. Le lecteur non amateur pourra vite trouver cela de très mauvais goût si l’on ne se replonge pas dans le contexte d’une époque étouffée par la censure et le Maccarthysme. Ces récits valent surtout par la maestria graphique de ces dessinateurs. Beaucoup se subliment dans un noir et blanc inquiétant et terrifiant. Dans des cases particulièrement impressionnantes, bon nombre d’auteurs jouent avec les plans et les scènes, proposant des dessins de haute volée. N’oublions pas les sublimes couvertures crépusculaires du maître Frazetta… Une bien jolie intégrale qui redore l’âge d’or des récits d’horreur : laissez vous tenter par l’affreux oncle Creepy et sentez ce doux et incomparable frisson de la peur…