L'histoire :
«Je suis Toni Benson et voici mon histoire. Qu'elle vous serve de leçon si jamais vous veniez à être soumis à la tentation comme je l'ai été... Voyez-vous, je ne pourrai jamais survivre à la réputation que j'ai acquise dans un moment de faiblesse... Je passe pour une allumeuse ! » - «Moi même, je n'importe que peu. Juste une malheureuse parmi de nombreux autres, frappés par la pauvreté et vivant dans les bas-quartiers de toute grande ville. Mais il me semble que mon histoire doit être racontée afin d'éviter à d'autres filles d'être les victimes de coutumes moyennâgeuses qui subsistent encore dans notre société moderne... Voyez-vous, on m'a poussée dans les bras d'un homme que je n'aurais jamais pu aimer, le jour où mon père conclut un mariage arrangé ! » - «Reste-t-il encore une place pour l'Amour dans un cœur empli de haine ? Un ennemi d'hier cherche la réponse à cette question, que se posent nombre de jeunes filles allemandes... Une confession poignante de celle qui, pour un soldat de l’occupation US, était sa Fraulein chérie...» - «Il était tout ce dont une fille peut rêver, et ils étaient fiancés... Mais Joyce savait qu'un jour viendrait où il devrait rencontrer sa famille... Elle ne pourrait affronter ce jour sans éprouver de honte ! »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Kirby & Me, l'éditeur s'était fait remarquer des fans du King of Comics, qu'ils appartiennent à «la vieille garde» ou qu'ils soient accrochés par le guest des auteurs qui lui rendaient hommage. Plus de 200 artistes, un bouquin qui renvoyait presque l'annuaire des Pages Jaunes au format d'un timbre... Cette fois-ci, Komics Initiative va directement à la source et propose de l'inédit. Car avant de connaître une immense popularité, née avec le tandem qu'il forma avec Stan Lee, Jack Kirby était déjà un travailleur acharné, dont l'expérience professionnelle était déjà très fournie. Et avant que les supers ne vampirisent les ventes, il y eut un genre qui trusta le lectorat des quotidiens, puis des magazines : la Romance. Young Romance en fut le fer de lance. Cet ouvrage reprend l'intégralité du contenu des 2 anthologies que l'éditeur US Fantagraphics publia en 2012 et 2014, après avoir pu compter sur la restauration de presque tous les épisodes par Michaël Gagné, à qui un beau billet est consacré à la fin du bouquin. Alors voici ce qu'il y a de remarquable dans ces épisodes de 1947 à 1959 (pour un peu plus de 400 pages) et que Jean Depelley,éminent spécialiste du King, souligne aussi dans sa préface : ils sont représentatifs de l'air du temps. En effet, même si le genre est devenu complètement obsolète (tout comme le roman-photo qu'il préfigure), il faut s'éloigner de l'idée que ces histoires brèves se résumaient à un parfum d'eau de Rose. Bien au contraire, Joe Simon et Jack Kirby, dans cette Amérique triomphatrice d'après-guerre, voulaient proposer des récits résolument modernes et qui pouvaient, de temps à autres, taper là où ça fait mal. Concevoir des histoires dont les héros sont par définition des héroïnes était en effet novateur, mais cela répondait avant tout au mouvement naissant d'émancipation des femmes. Jack Kirby, en parfait documentaliste, mettait un point d'honneur à cultiver une solide connaissance de la mode. En brute de travail qu'il était, il devint une sorte de fashionista pour les besoins de la cause ! Plus sérieusement, absolument tous les thèmes de la relation amoureuse dans une société encore très conservatrice sont abordés avec brio. Du mariage arrangé par un père dictatorial, à la honte de ses origines sociales, en passant par la tragédie des amours entre GI et «douces» allemandes, on sera surpris par la richesse de ces histoires. Il sera dit ça où là qu'elles sont répétitives ? On s'inscrit en faux ! C'est au contraire surprenant de lire autant de situations et de réactions diverses, car ces récits n'utilisent jamais la figure des femmes comme un faire-valoir. Certes, la dramaturgie propose systématiquement une fin qui ne réserve pas d'autre alternative que le bonheur ou la tristesse, voire la tragédie, mais le systématisme de la narration s'arrête là et puis c'est bien connu, les histoires d'Amour finissent mal, en général... Et dans les années 50, vint le Comics Code, comme Mickaël Géreaume nous le rappelle et ses conséquences quasi immédiates : vider de tout intérêt, ôter tout ce qui pouvait faire le sel de la Romance. La censure puis l'autocensure...On apprend aussi dans ce bouquin comment les magouilles des éditeurs et les procès ou les brouilles, y compris entre les auteurs, ont également contribué à la perte de vitesse des ventes, puis la fin de la série et du genre lui-même. Alors pour résumer, vous avez là un bel objet (dos toilé, papier de qualité à la teinte légèrement sépia qui évoque le jaune des vieilles publications), des couvertures ou dessins hommage glissés entre deux épisodes (14 auteurs, tout de même et pas des moindres) et surtout un contenu qui classe directement cette publication parmi les «historiques». Un bouquin de collection, au sens le plus noble du terme.