L'histoire :
Dans les temps des contes orientaux, Haroun El Rachid était un Sultan puissant, maître de la sublime Bagdad. Grâce au pouvoir d'Allah qui sait tout, la ville fleurissait et le palais d'Haroun était un véritable paradis : se côtoyaient érudits en tout genre, filles de plaisir de toutes origines, musiciens et poètes, créatures enchanteresses… Le règne d'Haroun n'avait pas d'égal. Il aimait même se déguiser parfois et vivre dans sa ville pour en partager des trésors et regarder la vie de ses sujets. Pourtant, le Sultan était souvent sombre à la nuit tombée, hanté par des pensées secrètes. Le jour du Ramadan, le sultan ne pouvait plus rien faire, taraudé par un voile sinistre. Le Vizir Djafar et même sa femme Zoubayda avaient beau lui proposer tous les plaisirs du monde, le Sultan ne cessait de méditer seul en contemplant la magnificence de sa ville. La nuit venue, il rentra dans les sous sols de son palais, là où personne n'ose s'aventurer. Traversant des lieux sinistres de geôles et de torture, le Sultan ouvrit une porte secrète et traversa de longues galeries qui formaient un véritable labyrinthe. Finalement , il arrive à une salle où trône une grande boule scintillante et lumineuse...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sandman n’en finit plus de nous étonner et le « diabolique » Neil Gaiman va toujours où on ne l’attend pas. Alors que l’on pensait retrouver toute la famille de Sandman, les Infinis, le maître des rêves au contraire disparaît presque dans cet opus. Cette fois, Neil Gaiman reprend l’univers des contes et offre une vision toute personnelle de ce type de récit. En effet, reprenant les styles de contes bien connus, Neil Gaiman balaie toutes les histoires du monde entier qui ont bercé notre enfance. Ainsi, il reprend les contes des Mille et Une Nuits puis ceux des contes japonais en passant par les légendes irlandaises ou autres récits plus contemporains. Toutes ces histoires ont un dénominateur commun : l’art de la narration. Le grand écrivain britannique est tellement ambitieux qu’il se réapproprie tous ces imaginaires à la manière des conteurs de l’époque. La réécriture des contes des mille et nuits est sidérante de beauté. Que dire également du parfum méditatif et profond qui émane du conte asiatique ? Imagination débordante, art de la mise en scène, profusion des détails, beauté des dialogues… Tout est réuni pour admirer l’art du conteur. Neil Gaiman ne s’arrête pourtant pas là : au centre de l’album, il imagine une auberge où des pèlerins perdus font une halte au-delà de la vie et du temps. Chaque personnage raconte alors une histoire pour divertir les autres : conte de fées, récit d’un président modèle, récit de piraterie, narration macabre… L’auteur démiurge imite Le décaméron de Boccace où les personnages enchaînent les histoires tantôt moralisatrices tantôt divertissantes. Emporté par son élan, Gaiman multiplie les intrigues et enchaîne les récits enchâssés. Dans des récits troubles et mystiques, l’auteur fait parfois des allusions en forme de reprise ou dépayse simplement le lecteur par des histoires sidérantes. Imaginez un monde de nécropolitains où les embaumeurs échangent sur les différentes façons d’enterrer les morts ! Ce tome est certainement le plus étonnant de tout ceux déjà parus, Neil Gaiman inventant de nouveaux univers en reprenant des bouts de contes par ci par là. On sera donc facilement fasciné par cette performance délirante mais là encore, Sandman n’est plus qu’un prétexte qui apparaît au compte goutte. L’ensemble résonne plus comme une volonté gratuite de narrer des histoires incroyables que comme une histoire en elle-même. De plus en plus difficile à suivre, Gaiman réalise un exercice de style brillant mais pas forcément accessible. Les dessinateurs s’enchaînent dans ce patchwork narratif mais seul P. Craig Russel marque les esprits. Loin du style comics, le dessinateur imite les illustrations de l’époque et ses versions graphiques du conte arabe puis japonais sont sublimes. Rien d'étonnant à ce qu'il soit d'ailleurs présent au générique de Fables quelques années plus tard. Le reste est malheureusement bien plus irrégulier et bien moins envoûtant. Un album à part qui enchaîne les histoires de façon un peu trop mécanique. « A qui le tour ? »