interview Comics

Bryan Talbot

©Milady Graphics édition 2011

La carrière du britannique Bryan Talbot a vraiment débuté en 1978 avec Les aventures de Luther Arkwright. Cet auteur inclassable a depuis enchainé les romans graphiques et multipliés les collaborations avec des auteurs prestigieux (comme Alan Moore). Nous avons profité de la venue de cette légende des comics anglais sur le Salon du livre parisien de 2010, pour l'interviewer sur le stand de l'éditeur Milady Graphics où il dédicaçait son dernier album, Grandville. Ce nouveau titre mélangeant policier et steampunk semble avoir trouvé son public (et c'est mérité). Après un très bon second album, l'auteur confirmait une suite à paraître l'an prochain, d’ores et déjà intitulée Bête noire...

Réalisée en lien avec l'album Grandville T2
Lieu de l'interview : Salon du livre de Paris

interview menée
par
21 août 2011

© Bryan TalbotBonjour Bryan, peux-tu te présenter aux lecteurs ?
B.Talbot : Bien sûr : j’écris et je dessine des bandes dessinées depuis pas loin de 40 ans. J’ai débuté à la fin des années 60, sur une série à suivre. C’était des histoires assez épiques et j’étais plutôt maladroit quand je les regarde aujourd’hui. J’étais jeune… En 1978, je me suis lancé dans un récit indépendant et plus adulte. Je voulais faire un titre rock’n’roll et science-fiction, avec du sexe, des drogues… C’était Les aventures de Luther Arkwright et ce fut le premier roman graphique britannique. Après 2 ou 3 années, je me suis mis à contribuer au magazine 2000.AD. J’y suis resté 5 ans et on peut voir mon nom sur Nemesis the Warlock, Slaine, Judge Dredd… J’ai ensuite été démarché par Dark Horse et DC Comics. J’ai fait pas mal de choses comme Sandman, Batman, Hellblazer, Le cœur de l’Empire… Je suis ensuite revenu auprès des éditeurs anglais et notamment de Jonathan Cape, avec qui j’ai réalisé Alice in Sunderland.

Ton actualité la plus récente est Grandville, un nouveau roman graphique…
B.Talbot : J’ai toujours adoré l’illustration et plus particulièrement les travaux de JJ Grandville. J’avais un livre réunissant beaucoup de ses dessins et j’ai fait le lien avec le fait que de nombreuses personnes appellent Grandville la ville de Paris. C’est l’une des plus grandes villes du monde, l’une des plus belles. Comme j’avais envie de dessiner des animaux, je me suis mis à en dessiner et à reprendre des décors issus de photos de Paris ou des illustrations de JJ Grandville. C’est comme ça que j’ai conçu l’univers visuel de cet album.

© Bryan TalbotEt pour l’histoire ? Le contexte est assez étonnant…
B.Talbot : J’aime décrire Grandville comme un récit de détective steampunk. C’est pour ça que j’ai essayé de lui apporter un style assez différent de ce qui existe. Depuis Luther Arkwright, mon approche du dessin a changé et ma façon de raconter une histoire a évolué. J’essaie de captiver le lecteur autant par mon dessin que par mon histoire.

Quelles ont été mes influences ?
B.Talbot : En fait, elles sont très nombreuses. Si les lecteurs ont l’occasion de voir mon travail sur Alice in Sunderland, ils verront combien mon dessin transpire de références. On retrouve beaucoup d’influences provenant des comics anglais, de Jack Kirby, de livres pour enfant, de Moebius, d’Hugo Pratt…

Tu as travaillé avec de nombreux scénaristes, la plupart britanniques. Cela fait maintenant plusieurs décennies qu’ils révolutionnent les comics. Qu’en penses-tu ?
B.Talbot : En fait, je trouve de nombreux auteurs américains très bons. Mais lorsqu’Image a été créé, beaucoup trop de dessinateurs sont restés dans cette approche graphique. Ils restent trop souvent dans des approches graphiques trop proches. En Grande-Bretagne, chacun essaie d’avoir un style propre. Frank Quitely est un très bon exemple.

Depuis, il y a des artistes américains qui t’ont plu ?
B.Talbot : Oui, Jeff Smith est excellent, bien qu’il ne travaille pas pour les grosses maisons d’édition comme Marvel. Il a un truc à lui. Et Robert Crumb ! Charles Burns !

As-tu eu des coups de cœur récemment ?
B.Talbot : Les albums de Joe Sacco sont excellents. Il y a aussi de nombreux romans graphiques que j’apprécie mais leur nom ne me revient pas dans l’immédiat. Ah si, il y a Swallow me whole de Nate Powell.

Qu’aurais-tu fait si tu n’avais pas fait de la bande dessinée ?
B.Talbot : Je ne sais pas trop. Un métier où j’aurais pu passer du temps chez moi. Ou quelque chose qui me permettrait de travailler pour les gens, de les aider chez eux.

Quel est ton prochain album ?
B.Talbot : J’aimerais poursuivre Grandville encore un peu. J’ai quasiment terminé le second album et j’ai encore plein d’idées.

© Bryan Talbot

Si tu avais le pouvoir de visiter le crâne d’un autre auteur pour en comprendre sa démarche, son art… Qui choisirais-tu ?
B.Talbot : Je dirais Bram Bogart. Il sait tout faire et j’adore ce qu’il fait. C’est un des rares peintres à se documenter autant pour ses toiles. C’est quelqu’un de très visionnaire, il est une de mes sources d’inspiration.