L'histoire :
Le psychiatre Malcolm Long est heureux : il a l'exclusivité pour suivre et comprendre le comportement du fameux Rorschach. Une belle opportunité pour sa carrière qui pourrait prendre une sacrée avancée s'il parvenait à décrypter ce personnage si particulier. Et quoi de mieux qu'un test de Rorschach pour cerner la personnalité de Walter Joseph Kovacs ? Il lui montre donc des séries de visuels en noir et blanc et oh surprise ! Ce qu'il voit est positif : des fleurs, un papillon ! Le détenu fait des progrès et c'est assurément grâce à Malcom. Il faut dire que sa réputation n'est plus à faire. Il est connu pour être affable et bienveillant et même son physique bonhomme lui permet de gagner la confiance de n'importe quelle personne. C'est ce que dit souvent sa femme. Ce soir, elle ne veut plus qu'il étudie le dossier de Kovacs. Ils ont une vie heureuse et l'extérieur n'est qu'un travail. L'œuvre d'un déséquilibré ne doit pas perturber leur harmonie. Alors ils profitent de la nuit pour assouvir leurs désirs. Une nuit paisible et heureuse comme souvent. Loin de la nuit que passe Walter en prison. Sous les insultes des codétenus qui rêvent de lui faire la peau, il se rappelle du jour où il a commencé à faire justice lui-même. Il avait douze ans et des sales gosses venaient l'embêter en se moquant de sa mère. Ils rêvaient d'avoir une passe avec elle et lui demandaient d'arranger le coup. Walter a explosé quand le mec lui a écrasé un gâteau sur le visage. C'est alors qu'il lui a montré ce qu'il pouvait faire en lui écrasant sa cigarette dans son œil ! Chacun doit payer pour ses actes.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Rorschach... ce mot fait frémir pour qui connaît le justicier au masque blanc et symboles noirs. Le sixième fascicule cartonné de cette réédition en douze tomes s'intéresse donc à ce personnage fascinant et inquiétant, suite à son arrestation. Et Alan Moore va vraiment se surpasser en créant un épisode incroyable. Comment commencer autrement que faire un test de Rorschach à Rorschach ? On suit donc l'enquête du psychiatre qui essaie de comprendre Walter Kovacs et cette focalisation interne nous permet de rentrer encore plus loin dans la noirceur du personnage et de découvrir, horrifié, la réalité sordide du monde qui l'entoure. À travers des phrases parfois sans sujets qui claquent comme des coups de poings et des situations sociales dérangeantes, c'est une incroyable descente aux enfers qui s'opère de façon lente et implacable. Plus on plonge dans la psyché de Walter, plus on s'enfonce dans l'horreur de l'humanité. Enfance battue, mère prostituée, moqueries incessantes, violences dans la rue, foyers d'accueil et maisons de correction... le portrait du personnage fait frémir. Et ce n'est rien comparé à l'épisode glauque qui explique comment Rorschach est né. Avec audace et lucidité cynique, Moore réinvente un super-héros bien plus réaliste et ténébreux que Batman, qui n'a d'autre choix que de répondre à la violence face à la violence. Ce récit marquant est formidablement orchestré par l'art séquentiel de Dave Gibbons qui se plaît à rentrer petit à petit dans l'horreur avec des cadrages et plans choc. Cauchemar éveillé... Rorschach le Justicier...
