Sa bobine craquante a fait fondre terriens et bédiens... Mais qui est-ce ? Addidas, bien sûr ! (mais pas comme les chaussures) La petite fille trognon qui tombe dans les pommes toutes les 5 minutes dans Koma, nous revient dans un second tome tout aussi poétique et sincère que le premier : Le grand trou (Lire la chronique). Poussés par leur curiosité, les bédiens ont interviewé le dessinateur, Frederik Peeters, pour en savoir plus sur la genèse de cette série enchanteresse.
interview Bande dessinée
Frederik Peeters
Koma est une série qui plait beaucoup aux habitants de la planetebd. Ils ont trouvé que c'était "un chef d'oeuvre de poésie et de tendresse, teinté de réflexions à la fois innocentes et d'une grand maturité." Qu'est-ce qui manque à la définition de cette série ?
Frederik Peeters : Je ne suis pas responsable du scénario ! Mais étant donné que ce sont les 3 qualités qui ressortent systématiquement des avis sur la BD, ça doit être vrai !
Après un premier album en noir et blanc, Les pilules bleues, Koma est ton premier album en couleurs. Peux-tu nous résumer la genèse de la série ?
Frederik Peeters : La conception de l'histoire avec Pierre Wazem s'est passée de la manière suivante. J'ai fait un dessin dans le vide au départ, de la petite fille et du monstre, sans aucune histoire, mais qui racontait déjà quelque chose en lui-même. Quand je suis allé vers Pierre pour lui demander de faire le scénario, on a rapidement su qu'on voulait en faire une série couleurs, cartonnée. C'est un exercice de style par lequel on voulait passer. Ce ne sont pas des choses qui se sont décidées en cours de route, ça a été défini comme ça dès le départ.
En combien de tomes est prévu Koma ?
Frederik Peeters : Pour le moment, on ne sait pas. Mais on va dire entre 6 et 8, quelque chose comme ça ! Il n'y aura pas de cycle, c'est juste une longue promenade.
Certaines planches ne comportent aucune bulle, et c'est le dessin seul qui sert de fil narratif...
Frederik Peeters : Idéalement, en oubliant le lecteur, le prix qu'il va mettre dans la BD, le temps qu'il va passer à la lire, toutes ces choses qui ne me regardent pas trop, pour moi, la quintessence de la BD, c'est quand on parvient à raconter une histoire sans parole. Quand on parvient à faire passer une histoire, des faits, des émotions uniquement pas le dessin, c'est qu'on a mis au point un système efficace.
...et tu y parviens très bien !
Frederik Peeters : Ça fait des années que je m'entraîne !
"Addidas, mais pas comme les chaussures"... Pourquoi pas "Citroën, mais pas comme les voitures ?" Pourquoi "Addidas" ?
Frederik Peeters : C'est peut-être la seule question pour laquelle je ne peux me substituer au scénariste, Pierre Wazem, pour y répondre. Il est arrivé avec cette idée là en tête. Probablement parce que la petite fille avait un côté Gavroche, avec de gros godillots... en dehors du reste de son habillement. L'idée vient peut-être de là, on n'en a jamais vraiment parlé. Moi je trouvais l'idée tellement excellente qu'on a même failli appeler la BD comme ça "Addidas, mais pas comme les chaussures". Mais pour des raisons juridiques, même si ça ne s'écrit pas pareil que la marque, on n'a pas pu le faire. Je pense que ce nom est venu de manière instinctive, pour le gimmick.
Une des caractéristiques de l'univers de Koma, ce sont ces décors, ces cheminées, ces usines... Tu peux nous en dire plus ?
Frederik Peeters : Dans la BD, on trouve souvent la confrontation entre l'homme nature et l'homme urbain, la difficulté de vivre dans un environnement urbain, le bonheur que procure le retour à la nature. Ce sont des thèmes contemporains récurrents. Le visuel de la ville a nécessité une après-midi entière de divagations entre nous. On a sorti plein de références à la volée pour en faire le lieu le plus moderne possible. Mais le but, c'était aussi de supprimer toutes les références qui rattachent cette ville à un endroit connu ou à une époque déterminée. On voulait créer un reflet grossi du monde moderne dans lequel on vit. On aurait pu aller dans la direction technologique avec des écrans, lumières, des ordinateurs, mais je trouvais ça moche et ça ne m'intéresse pas. On s'est concentré sur une espèce d'urbanisation hyper polluante mais presque organique. Le but des décors comme moi je les conçois dans toutes les BD, c'est qu'ils doivent épouser les états d'âmes des personnages qu'on suit. Le décor de Koma n'est pas un décor réel, de même que le monde du dessous n'est peut-être juste qu'une projection de ce qui se passe dans la tête de la petite fille.
Comme se passe le travail avec Pierre Wazem ?
Frederik Peeters : C'est simple : il écrit des scénarii dialogués, il me les envoie et je les dessine.
Il te fournit des indications de mise en scène, un story-board ?
Frederik Peeters : Ah non ! Ça c'est ma marotte à moi. Depuis des années, j'essaie de mettre au point une écriture de BD pour raconter des histoires, alors il ne va pas me voler cette partie là ! J'essaie d'y mettre un ton à part. C'est mon plaisir à moi, presque plus fort que le dessin. Il ne m'envoie que les dialogues et de très courtes descriptions de ce qui se passe entre les dialogues. Les grandes scènes muettes qui se déroulent sur 3-4 pages, Pierre ne me les décrit qu'en une ligne. C'est extrêmement succins. Ce qui m'intéressait dans notre collaboration, et c'est la raison pour laquelle je lui ai proposé le nerf de cette histoire, c'était la qualité de ses dialogues.
Actuellement, quels sont tes projets ?
Frederik Peeters : Je dois terminer la série Lupus chez Atrabile, terminer Koma... Ensuite, je sors un carnet de grossesse extrêmement cher et confidentiel en juin, qui s'appelle "Onomatopées" et je participe à l'Association en inde, qui sortira en automne, avec Guy Delisle et Jean-Michel Thiriet.
Veux-tu emboîter le pas de la réussite commerciale comme un autre Suisse, Zep, ou souhaites-tu rester dans le genre alternatif ?
Frederik Peeters : Je pense que Zep n'a pas de démarche commerciale. Je ne le connais que très peu, je ne l'ai vu que 2-3 fois... Ça faisait longtemps que je voyais ses dessins publiés dans les journaux à Genève. Je ne pense pas qu'il ait eu une démarche particulièrement mercantile. Si ça cartonne à ce point là, je pense que c'est justement parce qu'il est terriblement sincère ! Moi, ce qui m'intéresse, c'est d'être sincère, pas forcément de cartonner.
Pourquoi choisir d'être publié aux Humanoïdes associés plutôt que chez Paquet en Suisse, par exemple ?
Frederik Peeters : Les Humanos, parce que Pierre était déjà aux Humanos. En plus, ils ont un bureau à Genève et on connaissait très bien la personne qui s'en occupe. On leur a proposé en premier. S'ils avaient refusé, on serait allé ailleurs, mais ils ont accepté avec enthousiasme.
Si tu étais un bédien, quelles seraient les BD que tu aimerais faire découvrir aux terriens ?
Frederik Peeters : Les peanuts ! Mais les terriens connaissent déjà...
Si tu avais le pouvoir cosmique de te téléporter dans le crâne d'un autre auteur de BD, chez qui aurais-tu élu domicile ?
Frederik Peeters : Schultz ! (NDLR : Charles Schultz, créateur de Snoopy, les peanuts et Charlie Brown) Et parfois Forrest.. Ces temps, j'ai des crises de Forrest.
Merci Frederik !